Étape 3 : Horam - Newhaven
Direction la mer pour cette étape du jour. Après avoir passé une bonne nuit de sommeil, nous nous apercevons que l'hôtel dans lequel nous logeons est parfaitement vide. Personne ne réponds à l'appel, la porte du bar est close, ce qui signifie qu'il n'y a pas eu de repas la veille et il n'y aura pas de breakfast non plus… Dommage puisqu'il n'y a même pas une épicerie à Horam. Nous roulerons donc à jeun... Heureusement, quelques pâtes de fruits éviteront à Cécile de faire une hypoglycémie. Le soleil brille sur la ville, nous nous habillerons plus légèrement que les jours précédents.
Nous quittons l'hôtel en laissant les clés sur la porte et retrouvons le Cuckoo Trail, piste à suivre jusqu'à Polegate, 15 kilomètres plus loin. C'est la ville la plus proche et nous espérons y trouver de quoi petit-déjeuner. Les kilomètres défilent et nous ne sortons pas des sous-bois, retapissés d'un sol aux fleurs violettes.
Nos estomacs commencent à sérieusement réclamer leur dû, les pizzas de la veille sont bien loin. Kilomètre 17, nous roulons toujours en lisière de forêt avec de part et d'autre quelques habitations de propriétaires de chevaux aux enclos immenses. Nous sortons de la forêt, Cécile entame une énième pâte de fruits, lorsque nous tombons face à face avec le Arlington Tea Gardens, qui semblait ouvert. Nous entrons timidement et découvrons un petit bout de paradis. Un endroit improbable avec des tables de pique-nique, des oiseaux en volière, des plantes par centaines et surtout à l'intérieur, une bonne dizaine de gâteaux fait maison. Tels deux enfants émerveillés, nous ne pouvions pas espérer mieux. Le choix fut difficile. Finalement Cécile commanda un carrot cake bien consistant et moi un fruit farm cake, plutôt gourmand aussi. Le tout accompagné d’un jus de pomme et d'un immense chocolat chaud que nous avons dégusté à l’extérieur, en plein soleil, juste génial.
Nous repartons le ventre lourd sur des routes superbes, virevoltantes, sinueuses, alternant montées courtes et descentes rapides sur un goudron tout neuf. Nous commençons à sentir l'air marin, les mouettes chantent et nous nous approchons de la dernière colline à franchir avant d'apercevoir au loin, un grand tapis bleu.
Nous y sommes presque, submergés par nos émotions, nous accélérons pour arriver au plus vite au bord de l'eau. Ces moments étaient forts et intenses. Nous nous sommes regardés et un sentiment d'accomplissement était déjà entrain d'émerger alors qu'il nous restait de la distance à parcourir. Mais enfin, la partie anglaise était déjà presque derrière nous.
Nous profitons de l'occasion pour faire quelques photos et allons voir les Sevens Sisters, les grandes falaises typiques du Sussex, le comté situé au sud de Londres que nous traversons depuis Gatwick. La plage est superbe, égayée par de belles cabanes peintes de couleurs vives.
Nous décidons de passer quelques instants dans cet endroit magique avant de rejoindre Newhaven, 5 kilomètres plus loin. Il va être l'heure de manger et nous poursuivons le long de la côte cette piste cyclable qui nous mènera jusqu'au port. Le centre-ville n'est pas très charmant et ne donne pas envie de s'y arrêter, et encore moins d'y laisser les vélos sans surveillance. Nous repartons alors vers la Marina et posons nos montures sur la terrasse du Ark, un petit restaurant qui semble sympa. Ce fut une bonne adresse : bière, moules marinières, et pâtisseries en dessert. Il n'en fallait pas moins. Le soleil très présent jusque-là nous abandonne pour laisser place à de gros nuages noirs menaçants. Nous craignons la pluie mais l'envie de rouler au pied des falaises était trop grande. Alors qu'il faudra revenir à Newhaven pour monter à bord du ferry, nous décidons quand même de prendre la direction de Brighton. L'idée était de découvrir d’autres falaises, au pied desquelles nous pouvons rouler sur une voie goudronnée. Le timing est serré puisque le ferry part à 17h30 et vu l'heure à laquelle nous quittons la table du Ark, il ne nous reste plus qu'une heure 30 minutes maximum pour faire l’aller-retour. Après avoir jardiné un peu (expression cycliste pour dire perdre son chemin), nous décidons de faire demi-tour à cause du ciel menaçant et de l'heure qui tourne, sans trouver cette fameuse piste cyclable.
Mais nous étions frustrés... puisque nous n'avions vu que les résidences du bord de mer, mais pas les falaises… avant de rebrousser chemin nous décidons quand même d'aller faire une photo au bout d'une petite allée qui surplombe la mer. Bingo ! Nous découvrons le passage qui mène au pied des falaises. Coup de chance, nous prenons cette route pendant quelques centaines de mètres, entre mer et falaises avant d'être bloqués par le parapet. La route laisse place au vague déferlant contre ce mur blanc. C'était déjà la fin, mais qu'est-ce que c'était bon ! Il faut remonter maintenant. Non pas par une route, mais par des escaliers cette fois-ci. Une quinzaine de mètres nous séparent du haut, soit beaucoup trop de marches que nous gravissons en portant nos montures. Rappelons qu'avec les sacoches, ils avoisinent les 16 kg pour le Haibike et les 21 kg pour le Specialized. En haut, nous avions les bras et les cuisses bien gonflés.
Une fois le mur affronté, nous retrouvons nos chemins empruntés à l'aller et retournons au port pour prendre le ferry, nous sommes dans les temps. Au niveau du check-in, nous apercevons un cycliste bien chargé en bagages. Une fois la discussion entamée, Ludwig nous raconte qu’il vient de Londres, qu’il a quitté le matin même. Conclusion rapide : nous avons mis trois jours, quand lui n’en a mis qu’un. Il n'a pas emprunté le même itinéraire que nous et a été plus direct, mais c'est une belle performance. Ce n’est pas tout puisque cela fait 6 mois que Ludwig donne des coup de pédales, partout dans le monde. Au départ de Clermont-Ferrand, il décide de parcourir l’Europe à vélo. Il a traversé l'Espagne, le Portugal, l'Italie, la Croatie et l’Albanie. Arrivé en Europe de l’Est en hiver, les routes n’étaient plus praticables et il rentre donc en train en France. Mais au bout de quelques jours, l’envie de repartir est trop grande, il prend donc l’avion pour l’Asie du Sud Est avant de revenir à Londres (car le billet d'avion était moins cher que pour Paris) quelques mois plus tard. Il ne lui restait plus qu’à faire Dieppe-Annecy pour clôturer ces 6 mois de voyage à vélo. Encore une belle rencontre avant d'embarquer sur le bateau et de quitter la Grande-Bretagne. Une fois installés dans l'immense bateau, totalement vide de passagers, le moment est venu de coucher les notes du jour sur le papier pour pouvoir mieux vous les narrer aujourd'hui.
Une fois arrivée à Dieppe, nous descendons du ferry à 22h, heure anglaise, mais 23h, heure locale. Nous rejoignons au plus vite notre hôtel pour reprendre des forces et préparer l'étape du lendemain.
Détails de l'étape :
Kilomètres parcourus : 62 km / dénivelé positif : 371 mètres / heures de selle : 3h54 / vitesse moyenne : 15,9 km/h / altitude max : 83 mètres
Étape 4 : Dieppe - Neufchâtel en Bray
Arrivés à l'hôtel à 23h20, le temps de ranger les vélos, charger les GPS, se préparer pour aller au lit, minuit approche… Le réveil à 8h30 fut plus difficile que les précédents. Le bon petit déjeuner sucré salé nous booste, nous apprécions. Il est temps à présent de repartir pour une étape courte, seulement 38 km sur le papier. Mais quitte à être à Dieppe autant en profiter. C'est pourquoi nous quittons l'hôtel en direction du superbe Château-musée de Dieppe, datant du XIIème siècle. Seulement 200 mètres après le début de la sortie, nous attaquons par un pétard de 300 mètres à 11 % de moyenne. Et un pourcentage maximum à plus de 20 %. À froid et sur un petit déjeuner copieux, à peine englouti, c'est le meilleur moyen de se casser les jambes d'entrée de jeu. Le détour valait le coup puisque nous avons une belle vue sur la ville avec le château fort au premier plan.
Nous longeons la côte jusqu'à Pourville afin d'apercevoir les fameuses falaises normandes, qui avaient pour l'occasion la tête dans les nuages. Le ciel est bas, la côte très vallonnée mais les couleurs sublimes. Comme du côté anglais, nous constatons que le bord de mer est très vallonné et venteux. Aussi, les deux berges sont équipées de golfs luxueux et immenses devant lesquels nous observons quelques voitures de sport. Nous laissons ces joueurs motivés malgré le mauvais temps enchaîner les 18 trous et nous repartons avaler les kilomètres.
Nous retournons ensuite au centre de Dieppe après ce détour d'une dizaine de kilomètres, avant d'attaquer l’étape officielle sur l'Avenue Verte. À la sortie de la ville, un nouveau pétard nous surprend. Heureusement, ce sera le dernier de la journée. Le reste sera un faux plat montant, mais nous ne sommes pas au bout de nos peines. En effet, après un bon repas dans un petit restaurant au kilomètre 22, à Arques-la-Bataille, la pluie fait son apparition et ne cessera pas de la journée. Nous avons donc enchaîné les 30 km suivants sur une Avenue Verte humide. Le balisage est parfait, nous suivons tout le long cette ancienne voie de chemin de fer transformée en piste cyclable. Elle traverse des champs, passe à côté d’étables, il n'y a pas une seule voiture et vu la météo, nous sommes les seuls cyclistes courageux. Mais cette étape n’est pas la plus ludique. Comme toutes les voies de chemin de fer, le parcours est rectiligne, droit, très droit, trop droit… lorsqu’en plus, la pluie s’en mêle, cela devient monotone.
Nous prenons notre mal en patience, mains en bas du guidon, nous filons jusqu'à Mesnière-en-Bray, joli petit village dans lequel nous découvrons un château qui date de la Renaissance. Aujourd’hui ce château abrite un lycée professionnel horticole et forestier. Cela peut motiver les jeunes à bien travailler à l'école !
Avant de prendre froid durant ce stop, nous reprenons la route pour la fin de cette étape jusqu'à Neufchâtel-en-Bray. Nous quittons l'avenue verte et nous dirigeons vers la ville. L'hôtel du Grand cerf est au centre, non loin de l'église, un bel édifice du XIIème siècle. Nous ne prenons même pas le temps d'en faire le tour et préférons filer à la douche sans plus tarder, pour nous réchauffer. Cette étape n’était pas la plus cool de cette aventure, à cause de la mauvaise météo et du tracé rectiligne. Nous espérons avoir plus de chance demain. D'un point de vue équipement, nous constatons que nous faisons face à la pluie d'une belle manière. Les sacoches sont totalement imperméables. L'ensemble du contenu est resté bien au sec. Bonne nouvelle car selon notre application météo, la pluie risque de revenir à la charge dans les prochains jours.
La soirée à l'hôtel fut sympathique car nous avons refait le monde avec un commercial travaillant pour la société espagnole Cupa, premier producteur mondial d'ardoises. Grand passionné de football puisqu'il était ancien joueur du stade rennais et quimpérois. Ce breton souhaite continuer son métier jusqu'à la retraite après quoi il partira s'installer en Thaïlande, 6 mois par an avec sa femme et son chien. Lorsqu'il nous demande nos villes d'origine, Cécile lui répond, puis c'est à mon tour. Il tilte lorsque j'évoque le nom de mon village du sud-ouest et me réponds : "c'est à Barbazan-Debat que j'ai acheté mon labrit des Pyrénées". Une anecdote incroyable qui nous rappelle que le monde n’est pas si grand finalement. Il nous parle de la Thaïlande avec les yeux qui pétillent car ce pays lui procure une seconde jeunesse. En plus d'être dépaysant, il lui donne l'impression de retrouver les libertés qu’il avait en France dans les années 70. Rouler à moto sans casque et profiter de la vie sans craindre à chaque instant de sortir du cadre imposé par les lois. Après ces riches discussions et un repas light, nous partons nous coucher. Même si l'étape était courte, il ne nous fallut pas longtemps pour sombrer dans les bras de morphée.
Détails de l'étape :
Kilomètres parcourus : 54,5 km / dénivelé positif : 362 mètres / heures de selle : 3h08 / vitesse moyenne : 17,3 km/h / altitude max : 94 mètres
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