Texte : Amaël Donnet
Photos : Jérémie Reuiller / III Prod - BMC
Cadel Evans prend la pause avec son pote Urs. Il nous plait aussi beaucoup ce plantigrade !
Radical sans être extrême ou exclusif
Malgré ses acquis en cyclo-cross, dans ses vélos endurances ou le célébrissime Alpenchallenge, BMC est parti d’une feuille blanche pour concevoir l’Urs. Pour proposer un gravel radical mais pas extrême, on peut dire vulgairement que la marque suisse a posé les «couilles sur la table» ! Les options de constructions, des technologies utilisées et de la géométrie diffèrent des productions habituelles quelques peu aseptisées. Le code graphique et la nomination de ce modèle se différencient des autres productions. Exit les noms du genre Roadmachine, Trailfox et Cie… Au diable les coloris (trop) classiques et le lettrage BMC marqué en (trop) grand sur le tube diagonal. L’Urs marque sa différence dans la famille BMC, ce n’est pas un «Gravelmachine». BMC a su nous surprendre, c’est réussi !
La technologie au service du gravel
L’équipe en charge du développement de l’Urs a retenu les meilleures technologies usitées par BMC tant sur la route qu’en VTT. Que les puristes se rassurent, il ne s’agit pas d’un vélo «bâtard», ni d’un «monster cross». Ces derniers singent un peu les montures de John Tomac… Mais avec leur touche de modernité, malgré ce que pensent les bien-pensants et les adeptes de la théorie du complot marketing-produit, on ne peut pas dire que c’était mieux avant. Feu Michel Serres ne nous contredira pas: quand on a connu le passé, on sait ce que l'on a maintenant.
Le projet de l’Urs est parti de la modification du cadre de VTT Teamelite. Stefan, le responsable du bureau d’études, nous explique la naissance de ce gravel.
Il a de l’allure Teddy Bear ! En le scrutant, on découvre de nombreuses particularités intéressantes. La plus remarquable réside dans l’adoption du MTT (Micro Travel Technology). Qu’est-ce donc que cela ? Sous cette appellation marketing, apparue en 2015 sur les VTT XC Teamelite, on trouve un élastomère placé au sommet des haubans. Les dix millimètres de débattement, procuré par ce système, améliorent le grip et le confort. On reste cependant plus proche d’un cadre semi-rigide que d’un cadre suspendu. Elastomère, softail… Le raccourci va être rapide pour les connaisseurs et les adeptes de VTT de longue date. Prenons gare aux raccourcis trop rapides, une grande différence subsiste entre les anciens cadres «softail » et la technologie usitée par BMC : le MTT utilise deux guides internes qui permettent un coulissement droit de la mini-suspension. A contrario des softails, qui ont une tendance à valser de droite à gauche dans les relances appuyées, ici les rigidités latérales et axiales se montrent similaires à un cadre classique. L’élastomère est fabriqué en Allemagne et il n’existe qu’en une seule dureté (pour le moment). Originellement sur les VTT Teamelite, cet élastomère existait en trois déclinaisons : souple, moyen et dur.
Un châssis riche en détails soignés
La construction en carbone du châssis repose sur les fondamentaux de BMC. Toutefois vu que cet ensemble se destine à un usage intensif, le bas des fourreaux de la fourche et du tube diagonal sont dotés de renforts caoutchoutés. Pour plus de confort, la tige de selle possède une certaine flexibilité verticale. Un petit garde-boue, Defender, peut se fixer dessus via une vis Allen. Cette tige de selle peut céder sa place à un modèle ajustable en 27.2mm de diamètre. Ne vous emballez pas, ce n’est pas encore une option proposée par BMC. Le cadre a été dessiné pour être compatible avec les fourches télescopiques spécifiques gravel (Fox 32 AX ou la futur Manitou) et avec des roues en 700. Le dégagement offert par le triangle arrière et la fourche autorise le montage de pneus allant jusqu’à 700X45mm ou 650X47mm. Toutefois BMC est resté relativement sage sur ce point , de série, les Urs sont montés en 700X42mm.
Le câblage est interne, BMC a repris le concept de son poste de pilotage ICS. Le rendu est magnifique pour ce cadre uniquement compatible avec les transmissions mono-plateau. La potence possède des fixations pour les caméras GoPro et les GPS Garmin. Bien qu’orienté vers une pratique sportive du gravel, l’Urs possède divers inserts facilitants sont utilisation en mode vélotaf ou bike packing. En taille M, le cadre est annoncé à 1'050 grammes tandis que la fourche pèse 550 grammes. L’Urs existe en quatre tailles : S, M, L & XL. De série il est équipé avec une tige de selle sans déport.
Gravel+ - Enfin, c’était le moment !
Les constructeurs sont encore trop souvent frileux avec les géométries de leur gravel, c’est souvent trop sage, ou pire… Ça ressemble à un paquebot ! BMC a repris une recette qui a fait ses preuves en VTT, elle l’a bien évidement adaptée au gravel. Nous avions déjà suivi cette direction il y a deux ans pour concevoir notre cadre personnel en titane. Pour avoir un gravel à la fois stable, maniable, efficace dans le technique sans être pénalisant au pédalage, la recette est assez simple : il faut rallonger le reach, rendre l’angle de direction plus agressif et limiter la longueur des bases. Cette géométrie se combine avec des potences courtes (de 55 à 70mm suivant la taille du cadre).
La collection 2020
Pour sa première année d’exitance, le plantigrade se décline en quatre modèles. Seuls les Urs One et Urs Two bénéficient de l’intégration ICS.
- Urs One : groupe Sram Red AXS, roues DT Swiss GRC 1400, pneus WTB Resolute 700X42mm, 8'999 euros
- Urs Two : groupe Shimano GRX RX810 (Di2), roues DT Swiss GR 1600, pneus WTB Resolute 700X42mm, 5'999 euros
- Urs Three : Shimano GRX RX600, roues Mavic Allroad , pneus WTB Resolute 700X42mm, 3'999 euros
- Urs Four : groupe Sram Apex, roues DT Swiss C 1850, pneus WTB Resolute 700X42mm, 2'999 euros
Pour découvrir toute la collection BMC
Joyeux Jura !
Nous avons effectué l’essai de l’Urs, dans sa déclinaison la plus noble, en compagnie d’une dizaine de collègues et de deux athlètes soutenus par BMC. La boucle longue d’une cinquantaine de kilomètres et garnie de 1'000 mètres de dénivelé positif partait du Chasseral pour rejoindre les rives du lac de Bienne (ici la trace Strava). Le Jura se prête parfaitement à la pratique du gravel, le terrain se montre varié, c’est parfois engagé sans jamais être extrême. En fin de journée, nous avons dégusté quelques vins de la cave FrauenKopf. Une belle journée, heureuse sous le soleil et dans une ambiance de partage et de bon ride, du pur gravel !
Attaque de Pierre Rolland… Heu, non, de Muguette la vache
Parfaitement coupé et équipé judicieusement, j’ai très rapidement trouvé mes repères sur ce vélo. Le poste de pilotage favorise le pilotage, le cintre large est évasé sans excès. D’aspect robuste, on pourrait croire que cet Urs soit paresseux au pédalage, dans le genre un gros nounours. Malgré des pneus larges et bien cramponnés, son rendement est impossible à prendre en défaut. Il répond à la moindre sollicitation et ce sans punir son pilote si la puissance vient à manquer. Pour les compétiteurs, la potence sera un peu courte. Il est possible de très légèrement la rallonger, sans aller trop loin. Attention à ne pas contrebalancer les excellentes qualités intrinsèques de ce gravel.
Sur les sentiers, le caractère de ce BMC s’est montré plus stable que maniable, mais ça tourne quand même aisément dans les virolos. Pour ce faire, il faut le brusque quelque peu. Dans les lignes droites, c’est de la folie, on peut tout lâcher sans crainte ! L’élastomère joue parfaitement son rôle, les gains en matière d’adhérence et de confort sont réels. Le tout sans que ce gravel ne se tortille dans tous les sens.
Au guidon de l’Urs, le pratiquant lambda sentira en grande sécurité tandis que l’expert repoussera ses limites. On attendait depuis tellement longtemps un tel gravel : soyons clairs, il est bien probable que cela soit le gravel le plus aboutit du moment.