Recycler c'est bien, créer c'est mieux !

Direction Toulouse, rencontre avec Alex, un hyper actif du vélo.
Publié le 07/09/2012 18:07 -

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Texte et photos : SebRV

On dit souvent qu’il ne faut jamais rater l’occasion de faire une bonne première impression. Perceval, prenant Karadoc à témoin, ajouterait sans doute :« c’est pas faux ! » Faisant fi de ces préceptes, qui auraient pu nous faire rebrousser chemin, avant même de l’avoir entamé, nous avons effectué un trip initiatique, de l’autre côté de la planète vélo. Le temps d’une rencontre, nous sommes sortis de la matric… euh… des réseaux de distributions classiques. Voilà comment tout a démarré…

Nous sommes tous pareils. Nous attendons d’avoir des amis en weekend à la maison pour découvrir et visiter la chapelle juste au bout de notre rue. Et y découvrir une merveille ! Nous passons devant, en allant chercher notre baguette et nous nous disons qu’un jour, quand il fera moins beau… Suivant la même loi, il a fallu attendre qu’une compatriote de Ian Ullrich vienne s’installer dans la ville rose et qu’elle nous sollicite dans sa recherche d’un vélo de ville, pour que nous entrions en contact avec un des acteurs de ce réseau : Alex. Le jour où nous arrivons devant son portail, dans une rue calme et perpendiculaire à la Garonne, nous avons déjà passé pas mal de temps à commenter les images aperçues sur son blog (https://atelier-le-derailleur.blogspot.fr/). Et là, la première vision est, comment dire, légèrement en décalage avec le dépouillement dudit blog. Mais nous sommes là, nous y restons et en avant Guingamp !

Nous serions en train de pénétrer dans le jardin de César (le sculpteur hein, pas l’amant de la belle Egyptienne !) que l’impression ne serait sans doute pas différente. Peut-on encore tirer quelque chose de toutes ces bicyclettes bien fatiguées et néanmoins alignées un peu partout ?! Nous pensons même, un instant, nous être trompés d’adresse et être tombés chez une sorte de fossoyeur. Un fossoyeur un peu particulier qui recueillerait toutes ces « bêtes blessées » qu’on côtoie, tous les jours, sans y prêter attention. Vous voyez pas ? Mais si, faites un effort ! Dépouillées de tous leur périphériques ou presque, elles restent néanmoins « antivolées » au mobilier urbain. Apparemment, ici, elles ne passent pas inaperçues. Heureusement, en poursuivant notre traversée de ce décor pas super glop, une lueur apparait rapidement sous la forme d’un cadre dont la belle teinte orangée contraste. Ces rebus ne sont peut être pas rassemblés dans le seul but d’être vendu au poids à un ferrailleur ?? Notre pupille et notre objectif sortent de leur torpeur et, en y regardant de plus près, la géométrie est vraiment étrange et l’équipement des plus light. Nous ne le savons pas encore mais nous y reviendrons. Pour l’instant, il est l’heure de faire nos premiers pas, accompagnés par Alex, dans le réseau «heureux-cyclage» (www.heureux-cyclage.org) qui regroupe une cinquantaine d’ateliers, dans tout l’hexagone. Dès les premiers instants, pour le consommateur moyen, le gap est immense. A trois mille années lumières de l’univers des grandes surfaces dans lesquelles on pourrait manger par terre, le premier choc est visuel. La suite n’en est pas moins déroutante.


Au Cluedo, de mémoire, il y a un souterrain entre la bibliothèque et la cuisine, chez Alex, il y a un atelier entre la fosse commune et la cour des miracles

Alex, notre sherpa du jour, prend autant de temps à nous présenter la toile tissée par tous les acteurs locaux et nationaux qu’à nous parler de son activité propre. Tout juste s’il nous explique que son auto entreprise a deux années d’existence qu’il y officie, à temps plein, depuis seulement la mi 2011. Après avoir traversé son atelier dans lequel le remplacement d’une pièce est toujours le dernier recours, nous découvrons le résultat de ces heures de labeur. Quel contraste avec la désolation des premiers mètres, nous avons décidément bien fait. Du cadre hollandais de récup’ au cadre racheté à un fabriquant de VTT du sud ouest et en liquidation (vous avez trouvé ? En 4 lettres…), il n’y a pas de discrimination, ici bas, quand il s’agit de choisir une base. Nous poursuivons notre visite. Dans un autre contexte, un chef de rayon dirait à Alex qu’il ne remplit pas ses objectifs et lui intimerait sans doute d’aller réviser son manuel de vente additionnelle. Nous lui expliquons, en effet, que, depuis notre prise de contact, par mail, nous avons trouvé un destrier d’occasion. A se demander s’il a bien enregistré notre remarque, il nous convie à l’intérieur de sa demeure attenante à partager un thé. Etrange, vraiment ?! Alex discute volontiers matos, mécanique ou vision du vélo. Pas vraiment l’homme des querelles de clocher, il reconnait une utilité relative à l’initiative des velib’. « En fin de course, ça ramène toujours plus de vélos en ville ! » Sans jouer au champion du monde du dévoilage de roue, la discussion nous conduit naturellement à une autre activité de ce faux calme et vrai hyperactif : l’animation d’un garage associatif.


Un décor entre Brazil et l’armée des douze singes, à deux pas du Capitole.

Quelques jours plus tard, un Rockrider hors d’âge et d’usage entre les mains, nous rejoignons notre guide, du côté du faubourg Bonnefoy (centro ciudad de tolosa). Depuis Mars 2012, Alex et ses amis s’y relaient, pour ouvrir, plusieurs fois par semaine, bénévolement et gracieusement un atelier. Le vélo d’une amie aussi sportive que non manuelle venant de se faire vandaliser en centre ville, l’occasion est trop belle d’enfiler, une après midi, la panoplie du clien… euh, de l’usager de ce service. Au milieu d’une friperie et d’un atelier « savon » (de l’art de bannir toute chimie sans renoncer à l’hygiène de son intérieur), nous sommes accueillis par le désormais rituel thé vert et faisons le tour de ce capharnaüm urbain. Au gré de l’après midi, des allers et venues, nous découvrons les bienfaits collatéraux de l’activité. Permettre à la plèbe (allez hop, amis lecteur, on ne s’endort pas, on va chercher son p’tit Robert sous la commode bancale !) de réparer et d’apprendre à réparer son moyen de transport quotidien est une chose. Redonner de la confiance et un sentiment d’utilité aux « gueules cassées » en est une autre. Les deux ayant autant d’importance, aux yeux des porteurs de ce projet. Entre le gars qui, à l’africaine, refait toute la transmission d’un vtt aussi vieux que les bonnes résolutions de l’UCI, en l’espace d’une après midi et le celui qui passe quatre heures sur place, tous les jours à donner la main à tout le monde, le décalage fonctionne à plein. Cette unité espace-temps répare vraiment plus que des mécaniques. Après avoir remis en état le vélo de notre amie et même en ayant passé quelques heures, dans ce nouveau monde (parallèle ?), au moment de prendre congé, nous nous retrouvons à nouveau déroutés, décalés... Si habitués que nous sommes à quantifier, de manière sonnante et trébuchante, nos besoins et nos services, nous voilà tout penauds au moment de nous quitter et de proposer un moyen de remercier Alex et son garage. Pour faire diversion (et nous laisser le temps de la réflexion) nous décidons que c’est le moment de revenir à ce cadre orange, vu quelques jours plus tôt, dans son jardin. Nous ouvrons, sans le savoir une nouvelle porte de cette boite de pandore qu’est décidément l’univers d’Alex. Welcome to the bike polo planet !


Des playgrounds californiens aux bords de la Garonne : bienvenue sur la planète vélopolo !

Le vélo à la couleur d’agrume, à la transmission réduite à sa plus simple expression, aux commandes regroupées en un seul et unique levier n’était donc pas seulement là pour attirer le chaland dans l’atelier d’Alex, il était aussi un indice. Un indice qui nous conduit au troisième plateau (métaphore cyclisto-cinéphile !!) de la vie cycliste d’Alex. De la même manière qu’il positive la mode très « bobo » et mercantile des fixies, Alex parle du vélopolo comme d’un lien vertical dans la société. Et, en effet, sur un terrain de tennis délaissé par les fans de Tsonga mais pas encore cédé par les autorités, nous retrouvons une belle diversité. Du 26 pouces, du 700, pour les roues, du route, du vtt ou du piste, pour les cadres, tous les montages sont bons pour faire des ronds, une canne à la main entre les buts en connes de chantier! Il y a même, au milieu cette vitrine animée du recyclage, un vélo dédié de la marque italienne Riding in circle. C’est Paulo, le Toulousain de l’équipe Call me daddy (vice champions du monde 2011), à l’entrainement, ce jour là, qui roule dessus. Fait de nombreuses ruptures de rythme, de regroupements, d’enchainements collectifs, le vélo polo mérite vraiment notre attention. Les nombreux promeneurs ou joggeurs, en cette fin de journée, ne s’y trompent d’ailleurs pas. Et la curiosité la cède rapidement au respect. Sans se prendre au sérieux mais sans lâcher non plus le morceau, les gars s’entrainent pour de vrai. La pause bienvenue est l’occasion, avec Alex, de faire l’inventaire des forces en présence (l’équipe toulousaine s’est classée, depuis, 8ème aux championnats d’Europe, organisés à Paris) … et de découvrir une nouvelle facette de la vie décidément riche de notre homme : celle de créateur.


Phosphorez, gambergez, débattez, il en ressortira toujours quelque chose !

Certes, cette aventure serait déjà belle si elle s’arrêtait là. Alex, l’ex étudiant en géo qui réussit à vivre de sa passion tout restant cohérent avec ce qui le fonde, avec ses valeurs. Mais elle ne s’arrête pas là. A force de vivre vélo, de manger vélo, de militer vélo, de rire vélo et d’être une des dernières équipes jouant à ce niveau, avec des vélos faits de bric et de broc… Bref, avec ses deux partenaires Félix (vélo de route/ pattes arrières « piste »/ 26 av. et 700 ar.) et Aulne (vélo de route decat’ tout 700), ils ont décidé, il y a quelques mois, de solliciter une marque française spécialiste du trial pour partager le fruit de leurs discussions sans fin sur les meilleures « géo », dans l’hypothèse où, rêve de môme ultime, ils se construiraient leur propre vélo. Passée la réponse fulgurante et enthousiaste des responsables de la marque, le temps de gestation fut plus proche de l’éléphant que de celui de la souris (le fameux tryptique : ingénierie en Isère-construction de proto à Taiwan-transport pas bateau). Et c’est seulement en ce milieu d’été 2012 que nos trois grands enfants ont réceptionné les trois premiers protos et sont donc, aussitôt, d’aller les faire tourner sur leur court de tennis favori. Le nouveau chapitre d’une histoire qui parait sans fin (big up à Bill Murray et à la marmotte). Nous les avons laissé à leurs emballements et à leurs tâtonnements…

Elle est pas belle, la vie !?


Dernière minute :

Le garage associatif, si utile à tous ses usagers (une dizaine par jour, depuis l’ouverture) a été exproprié et est en attente d’une vraie proposition alternative de la part de la mairie. L’aventure continue.

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