Essai : Cannondale Slate

Enfin un concept abouti pour le gravel
Publié le 16/12/2016 10:21 -

 

 

Le Cannondale Slate est un gravel pas comme les autres. Piochant dans la technologie VTT, il défie les conventions et promet une expérience sans précédent pour "ré-inventer" la route. Après notre prise en main du mois de juin, nous avions à coeur d'investiguer plus avant, et d'observer ses réactions sur des parcours bien connus.

 

Le Slate bénéficie de l’expérience et de l'ouverture d'esprit d’un des plus grands constructeurs de VTT qui ne s'est jamais contenté de suivre les modes et a même souvent été à l'origine d'innovations originales et audacieuses. L'aluminium oversize dans les années 80, la suspension Headshok dans la douille de direction et les freins à disque (Coda) au milieu des année 90, la technologie carbone "Raven" à l'orée des années 2000, le boîtier de pédalier PressFit, la fourche monobras Lefty (dont il est encore question aujourd'hui), toutes ces choses sont à mettre au palmarès (pas forcément toujours heureux il est vrai) de la firme américaine. Quoi qu'il en soit, le Slate est, encore une fois, un vélo de gravel atypique qui se voit équiper d’attributs d'ordinaire réservés au tout-terrain : une suspension avant et des roues de 27,5 pouces. Avouez que ça éveille fatalement la curiosité.

Gravel et gravel…

Avec sa Lefty, ses roues de 650b (soit 27,5 pouces) et ses pneus slicks de 42 mm, ce Slate est pratiquement une catégorie a lui tout seul, un vrai concept… assez éloigné d’autres interprétations dérivées de cadres de cyclo-cross, à base de pneus cramponnés de 40 mm, ou de châssis route rallongés.

Voilà un vélo qui a fait couler beaucoup d’encre, laissant perplexe de nombreux observateurs et experts… et engrange déjà quelques références sportives sans équivoque en épinglant notamment à son palmarès une victoire sur la Dirty Kansas 2016, sans aucun doute la course de gravel la plus prestigieuse au monde.

Après quelques centaines de kilomètres sur tous types de terrains, nous ne sommes pas perplexes, mais au contraire convaincus par ce vélo, voici pourquoi :


Petit tour des composants

Notre modèle d’essai est la version la plus haut de la famille, le Slate Force CX1. Equipé du groupe éponyme Sram Force 1 au complet (transmission monoplateau/freinage hydraulique), à l’exception du pédalier Cannondale hollowgram Si (System Integration), encore plus exclusif, son montage ne souffre d’aucune critique.
Et les périphériques ne sont pas en reste, avec notamment une selle Fabric et des composants aluminium très soignés. Les roues sont composées de jantes Mavic 419 Disc tubeless montés sur des moyeux maisons de très bonne facture. On notera au passage la touche purple, sans doute clin d’oeil à la clientèle visée et supposée (?) nostalgique d’une certaine époque du mountain bike…

Reste que le Slate est tout sauf rétro, notamment à cause, ou grâce à 2 composants emblématiques :

La fourche suspendue Lefty Oliver, dérivée des modèles de VTT, offre un débattement bien moindre de 30 mm. Pièce maîtresse du concept, elle est équipée d’un blocage, qui se fait du bout du doigt, en haut du fourreau, à quelques centimètres du guidon.

 

Et bien sur les pneus ballons Panaracer, en 650x42 mm, totalement slicks. Ce format, traditionnellement utilisé sur les "randonneuses", fut longtemps la référence en terme de confort et d’efficacité, à l’époque où le goudron n’était pas la norme. Avec leur profil totalement slick, ces enveloppes représentent certainement le parti pris le plus audacieux de ce Slate.


A l'usage

Après quelques minutes de pédalage sur le bitume, le vélo s’apprivoise facilement. La position plutôt "relax" et la facilité de pédalage le rangent d’emblée dans les vélos agréables, et clairement accessibles au plus grand nombre...


Sur la route, les pneus font merveille. Le rendement est réellement surprenant et permet de participer à n’importe quelle sortie de groupe sans aucune arrière pensée. Sans avoir le dynamisme nécessaire pour «animer» la sortie, le Slate a le rendement et le tempérament pour rester dans le groupe jusqu’au bout.

Au fil des kilomètres, on s’aperçoit que le soin apporté à la géométrie repensée pour les roues de 650b porte ses fruits. La stabilité est remarquable, en particulier à haute vitesse, et la prise en main est bien plus naturelle que celle d’un cyclo-cross «customisé» en pneu de 40 mm. C’est sensible sur les chemins, c’est criant sur le bitume.

Lors de notre première prise en main du Slate, la direction nous avait paru fuyante. Aussi nous avons pris soin d’adopter une pression de fourche plus élevée, en suivant précisément la préconisation maximale (145psi pour 70 kilos), ce qui a totalement fait disparaitre cette sensation désagréable.

 

 

Dans les chemins.
C’est quand on quitte la route à vive allure pour rentrer dans un chemin sans même effleurer les freins que l’on apprécie pleinement ce vélo. Pas de changement de vitesse, pas de sursaut, le Slate continue sa route sans sourciller, un vrai bonheur. C’est là où la Lefty Oliver et ses 30 mm de débattement apportent un net surcroît de confort et de stabilité. A l'inverse de son look spectacualire, la Oliver ne fait jamais ressentir sa présence de façon ostentatoire. Au contraire, c'est une aide discrète et efficace qui veille au maintien du cap et de la vitesse, sans alourdir la direction ou pénaliser le rendement.

Mais aussi efficace soit elle, la fourche n’est qu’un élément du châssis dont l'âme est bel et bien le cadre. Cette ossature en aluminium est particulièrement travaillée au niveau des bases et haubans pour offrir un grand confort. Le dynamisme n’est pas pour autant négligé et le résultat défie les préjugés : si les accélérations ne sont pas foudroyantes, la motricité est exceptionnelle pour un cadre alu. C'est d’autant plus impressionnant que la plateforme 650, conserve des bases ultra courtes de 405 mm, et adopte un axe traversant 142x12 mm.

Pour résumé ce chapitre du châssis, on peut dire que le Slate avale des kilomètres de chemin chaotiques avec l’aisance qu’un 4x4 de Rally-raid, et qu'il conserve son allure de berline quand il rejoint la route… c’est dans l’alternance de ces différents terrains qu’il excelle, conservant sa vitesse tout en apportant beaucoup de plaisir et de sérénité à son pilote.


Et que dire des pneus ? Etonnants ! Peu partisans de changer de pression en cours de sortie, nous avons au contraire cherché à trouver une pression intermédiaire, le bon compromis entre route et chemin, pour toujours rester dans le rythme du vélo.

Au terme du test, nous nous arrêtons à 2.9 bars à l’avant, 3.3 à l’arrière. Ça pourrait être plus moelleux, mais on augmenterait le risque de crevaisons et ne pas crever (ou du moins le moins souvent possible) reste à l'évidence un critère de plaisir à vélo, à fortiori en gravel.

Avec 42 mm de section de ballon, la traction est bien au rendez-vous. C’est bluffant en danseuse sur la "gravette", tout autant d’ailleurs qu’en descente de col type super-motard.

Bien sûr, le pneu slick a quand même ses limites. Les terrains trop gras ou poussiéreux, feront largement appel au talent du pilote. Mais sur du gravier ou du chemin sec, voire du singletrack, rien à dire, ça passe nickel. D’autant que l’angle de direction (71,5°) permet toutes les audaces.

Réellement intrigués par ce pneu, nous avons pris la peine de le démonter pour le peser.
320 grammes vérifiés pour 42 mm réels quand nombre de pneus route de 28 mm approchent les 280-300 grammes, c’est impressionnant et probablement l'un des secrets du vélo. C'est aussi un mystère car en dépit de cet extrême légèreté, nous n’avons pas remarqué d’usure prématurée ni mis en évidence une éventuelle fragilité. Même après une descente de col à plus de 50 km/h dans un chemin forestier plein de cailloux, nous n’avons constaté aucune entaille, ni contact avec la jante alors que nous avons bénéficié d'une sensation d’amorti très sécurisante.

Paradoxalement, c’est grâce à ses pneus slicks de « randonneuse », que le Slate est certainement un des gravels les mieux pensé, équilibré et polyvalent du marché.

Un montage irréprochable
Pour le reste des composants, peu de choses à dire sur le terrain. Même la guidoline choisie est super confortable. Les freins hydrauliques Force 1 sont particulièrement agréables. On les aimerait néanmoins plus incisifs pour profiter de toute la surface de pneu disponible. La modulation reste exemplaire, et le silence d’or. Côté transmission, si le plateau de 44 peut s’avérer un peu gros selon les régions (longues montées d’alpage), les changements de vitesses Sram sont foudroyants : un régal.
Les roues, Tubeless Ready, sont également sans reproche et souligne l'excellente selle Fabric Scoop Radius Race, surprenante de confort…

Bilan : pour qui…?

Au terme de l’essai, il apparaît très clairement pour quel usage est conçu ce Slate. Bien sûr, c’est un gravel. Oui, mais pas un gravel comme les autres. Dans cette catégorie qui mélange les cyclo-cross inconfortables, les gravels «cramponnés» manquant de rendement, les all-roads manquant de volume pneumatique, le Slate revendique une orientation vraiment 50% route / 50% chemin. Il fait parti à l'évidence de cette catégorie la plus polyvalente, mais aussi la moins répandue !

Conçu pour être utilisé en pneus slicks, aussi à l'aise sur la route que confortable dans les chemins, il n’est pas fait pour gagner une étape du tour, ou une course de VTT, mais il est idéal pour parcourir de grandes distances quel que soit l’état de la route.

Certains gravels équipés de pneus cramponnés peuvent être plus accrocheurs sur des terrains meubles mais ils seront vite limités sur la route. Certains "routes" «endurance» à pneus de 30-32 mm peuvent avaler quelques kilomètres de pistes à condition de limiter un peu son enthousiasme quand le revêtement devient cassant. Le Slate, lui, peut réellement tout faire : rouler 100 kilomètres sur le bitume et enchaîner par de la (mauvaise) piste à 40 km/h, sans arrière pensée…

Alors, la vraie question, est : "pour qui ?" En réalité, la réponse est : "pour beaucoup d’entre nous". Probablement pensé pour les VVTistes qui cherchent un vélo route ludique et sécurisant, sans "basculer" dans une pratique trop fermée, le Slate s'adresse bel et bien aux "routiers" qui cherchent un vélo robuste pour tâter du gravel, sans abîmer leur joli carbone super léger, et découvrir ce vaste monde qui s’ouvre au-delà du pneu de 28 mm

Enfin, le Slate se destine à cette catégorie encore rare en Europe, de pilotes qui veulent participer à des courses de gravel. Aussi accessible soit il, ce Cannondale est aussi taillé pour la compétition, et est très utilisé pour ça outre-Atlantique. Ce n’est pas étonnant, plus les routes sont mauvaises, plus son confort fait la différence, lui permettant de tracer son chemin inlassablement, insensible aux variations du terrain, et à la fatigue du pilote.

 

 

 

 

Si les contours de la pratique "gravel" sont encore assez flous (ndlr : tant mieux d'ailleurs, chacun est libre d''en faire son interprétation), avec le Slate, Cannondale en propose une définition très personnelle et pertinente, apte à satisfaire le plus grand nombre.

Les +
Concept unique et abouti
Géométrie 650 réussie
Stabilité - Confort - Endurance
Réelle Polyvalence

Les -
Braquet et freinage un peu justes en montagne
Adhérence en terrain gras laissée à la discrétion du pilote


Infos :
Poids Vélo Vert : 9 kg tout rond en Taille L
PPC : 3 999,00 €

Infos : www.cannondale.com

 

 

 



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