La Résistance 2016 : un pionnier raconte

Prenez la roue de Phil Join-Lambert sur le parcours 90 km de la première édition de l'épreuve Gravel La Résistance. Notre conteur est aussi bavard à l'écrit qu'avec un micro en main, la passion du Gravel habite cet homme!
Publié le 21/10/2016 17:26 -

Texte : Phil Join-Lambert

Photos : Gilles Morelle

Le weekend des 24 et 25 septembre derniers, parmi les dizaines de manifestations qui réunissaient tout type de pratiquants des différentes disciplines du cyclisme à travers la France, au moins 3 oeuvraient dans cette tendance de plus en plus forte qui consiste à se rassembler pour rouler sur des itinéraires de routes, de pistes et de chemins, asphaltés ou non, sans objectif de compétition, mais plutôt de dépassement de soi et d'une belle tranche de vie partagée.

Le parc à vélos installé sur la plage de Talloire, site de départ et d'arrivée.

Techniquement, cette forme de pratique fait converger le cyclosport, le cyclotourisme et le cyclocross, et attire également des VTTistes, notamment ceux qui ont vécu l'émergence de leur discipline autour des années 80, 90.  

Nous sommes chacun adeptes pour des raisons propres, et pour la plupart il s'agit juste de faire du vélo. Nous reprenons l'appellation venue d'outre-Atlantique "gravelbike". Nous avons cessé de nous soucier que cela suscite les critiques décriant ce phénomène comme la promotion d'un énième segment marketing sur le déjà très vaste marché du cycle.  

Nous voilà donc, pour ce premier weekend d'automne 2016, avec au moins trois évènements de gravelbike proposés en France. Ils rencontrent déjà l'intérêt de quelques centaines de personnes ; a priori, cet état d'esprit est viral.
Entre la seconde édition du "Cuneo Monaco Classico", la "Rapha Prestige" dans le Massif Central et "La Résistance" aux environs du lac d'Annecy, mon choix s'est porté sur le dernier. En sa faveur joue, en plus de sa proximité géographique, que les 130 km du circuit avec 3200 mètres de dénivelé positif ne seront pas obligatoires ; nous disposerons d'une version raccourcie à 90 km avec 2200 mètres de D+, permettant aux moins entraînés de ne pas subir les conséquences d'un effort excessif.

En l'occurrence, j'ai comme objectif d'étrenner ma nouvelle monture, reçue le lundi précédent, le Ritchey SwissCross. Je l'ai équipé de mes fidèles roues Ksyrium Pro Allroad Disc, chaussées des pneus dédiés Yksion Elite Allroad, en 700x30, tubeless ready. Côté transmission, une cassette 11 vitesses étagées de 11 à 32 dents vient remplacer la 11-28 d'origine.

Du fait de mon planning professionnel à contresens du rythme civil classique, je roule principalement seul, en semaine, autour de chez moi dans le Vercors. L'idée de pouvoir partager une expérience avec d'autres et de découvrir de nouveaux itinéraires me motivait grandement. Sur le groupe Facebook dédié à notre communauté française émergente, certains avaient manifesté leur intérêt de s'y rendre. J'espérais que nous pourrions faire connaissance, échanger, et rouler, mais au fur et à mesure des échanges, je compris qu'outre le fait que beaucoup habitent loin des Alpes, les prix élevés des différentes formules d'inscription étaient rédhibitoires. Un ami grenoblois, pourtant bon client de ce type d'aventure commune, s'est aussi désisté, en partie pour cette raison. Avec un ticket de base à 50€ par personne, n'incluant ni le maillot de l'épreuve ni l'accès aux festivités périphériques, "La Résistance" est, au premier abord, une offre chère.

D'autant que l'autonomie des coureurs est un principe de ce type de rassemblement, et en fait l'attrait. Le règlement prévoit que chacun est responsable de soi et de son matériel, et que chacun provisionne assez à boire et à manger.

Alors, avant de s'inscrire, l'observateur peut se poser la question de ce qui engendrerait de grosses dépenses pour décider s'il est disposé à y contribuer. Il y a certes quelques ravitaillements, mais tout laisse à penser que les produits sont fournis par des sponsors, ce qui est usuel. Et puis "La Résistance" n’est pas chronométrée. Le poste budgétaire de la gestion de course semble pouvoir être restreint au minimum, d'autant que, là aussi, un des partenaires est fournisseur des plaques de cadre numérotées. Elles n'ont d'ailleurs, à priori, qu'un rôle d'identification.

En France, la culture du cyclisme est traditionnellement populaire. L'esprit gravelbike est à la débrouille ; on explore, on s'invite mutuellement pour découvrir de nouveaux parcours. Bref, assez de raisons pour que de nombreux potentiels candidats se soient rétractés en estimant que la participation demandée était exagérée.

Pour ma part, j'étais trop motivé pour que le prix élevé me retienne. Et puis, impliqué professionnellement dans de nombreuses organisations évènementielles, je sais que le tarif n'est pas un critère décisif, ni pour la qualité du service ni, surtout, du vécu. Une manifestation prend aussi la valeur de ce que l'on en fait, de ce qu'il est proposé d'y vivre.

En l'occurrence, les organisateurs ne se sont pas cantonnés à mettre en place un parcours à bicyclette. Ils veulent façonner une identité forte à leur évènement ; d'abord autour du souvenir aux résistants du plateau des Glières, en conviant l'association qui en fait vivre la mémoire et en invitant deux vétérans, blessés de conflits contemporains, et un militaire actif, tous cyclistes de haut niveau, à en être parrains. Et puis ils amplifient l'esprit néo-rétro de cette approche du cyclisme par adjonction d'une soirée guinguette. Cette dernière recette fonctionne déjà sur des rassemblements comme ceux de l'Anjou Vélo Vintage, ou de l'Eroïca, par exemple.

J'étais aussi enthousiaste à l'idée de rencontrer et d'échanger avec des pratiquants étrangers, comme le laissait présager la communication bilingue faite en amont. Les Anglo-Saxons développent cette pratique, dans leur style, depuis quelques années déjà.

Alors, inscrit en ligne et hébergé non loin du lieu de départ, chez un proche, je me présente ce samedi 24 septembre 2016, parmi les premiers, sur la plage de Talloire ; un parc de pelouse et de grands arbres au bord de l'eau. La journée s'annonce belle. Ceci étant, pour l'instant il faut rester chaudement habillé ; l'air est presque froid, le lac est encore dans l'ombre des montagnes. Les premiers rayons rosissent les sommets, mais les quelques brumes qui ondulent à la surface de l'eau ne sont pas encore décidées à se dissiper.

Une arche gonflable rouge trône au milieu du site. Elle marque la ligne de départ et d'arrivée à partir de laquelle nous nous élancerons par un corridor de barrières jusqu'à la route, au-delà de l'enceinte du parc. Tout autour, les installations pour la soirée guinguette sont prêtes. À droite un grand barnum blanc avec plancher bois se prolongeant en terrasse extérieure, à gauche des rangées de tables sous des guirlandes lumineuses, ça et là des installations en bottes de paille drapées, pour s'asseoir par petits groupes.

Un vendeur ambulant en triporteur propose des boissons chaudes. Au bord de la digue, on trouve le service du parc à vélo et de consigne pour ses sacs. Au retrait des dossards, sur la terrasse, nous sommes chaleureusement accueillis par l'un des organisateurs. Nos packages contiennent la plaque de cadre avec numéro, deux produits de nutrition sportive, 1 petit garde-boue, quelques autocollants et surtout, notre "passeport", une carte que nous ferons tamponner aux checkpoints, ainsi que des bons pour repas et boissons au terme de l'épreuve.

Le "Passeport" validé comme il se doit par les locaux.

Hormis les organisateurs, les quelques personnes déjà présentes sont des participants ayant dormi sur place, dans leurs véhicules aménagés. C'est aussi ce qu'a fait Pierre, avec qui nous nous sommes donné rendez-vous pour l'épreuve. Je le retrouve avec plaisir. Au fil des dizaines de minutes suivantes, l'endroit se remplit de nouveaux arrivants. Le camion d'assistance Mavic trouve également sa place dans ce décor, ainsi que la moto, aux mêmes couleurs, qui sera sur le parcours. La notion d’autonomie requise est un peu relative, du coup, mais nous ne nous plaindrons pas de ce confort. Nombreux sont ceux qui prennent des photos, pressentant que l'évènement est, potentiellement, historique.  

Chacun lorgne sur les vélos présents et s'intéresse aux choix techniques qu'ont opérés les autres. Le règlement est strict : les VTT et vélos suspendus ne sont pas admis, les cintres plats non plus. Les vélos autorisés sont de type route / cyclocross / gravel, avec guidon "course" obligatoire.

Du coup, le peloton est assez bigarré. Du vélo de route classique au "fat-gravel" en passant par les randonneuses, un peu toutes les époques depuis les années 70, tous les matériaux et toutes les largeurs de pneumatiques sont représentés. Un candidat, taillé comme un super héros de comics américain, s'attaque même à l'épreuve en fixie !

Ce côté non normalisé, un peu punk, me réjouit. L'éclectisme des machines reflète celui des coureurs. De l'athlète de haut niveau, motivé par l'exploit, à la bande de copains venus vivre un bon moment ensemble, notre groupe de plus de 120 hommes et quelques femmes a de quoi susciter la curiosité. Surtout que, dû aux efforts de communication extranationale des organisateurs et aux nombreux expatriés peuplant le bassin annecien, on y parle de nombreuses langues ; anglais, suédois, allemand, italien, lituanien… pour ce que j'ai pu saisir. A priori, 10 nations étaient représentées.


Avant le départ, les techniciens de l'assistance Mavic oeuvrent sans discontinuer.    

8h30, la première vague est au départ. Les parrains et invités sont placés en première ligne, les représentants de l'association à la mémoire des résistants les encadrent et les coiffent de leurs drapeaux, les photographes immortalisent la scène. Placés derrière, nous tentons de nous réchauffer en sautillant sur place.  

On procède à un décompte, avec entrain, de bonne humeur et soulagé de se mettre en mouvement. Un groupe d'une trentaine de coureurs part enfin. Il n'y a pas de chronométrage, mais il semble que parmi eux figurent les plus compétiteurs.

Avec Pierre, nous attendons encore un moment, avant de pouvoir nous élancer en 3ème ou 4ème vague. L'ambiance conviviale de l'attente se prolonge ensuite avec nos camarades de route. La première partie de parcours nous fait longer le lac, en alternance par des tronçons de route et de piste cyclable. Nous roulons en petit peloton, à rythme honnête, dans la fraîcheur.

J'ai consulté la carte avant de venir, j’ai grossièrement le circuit en tête. Au-delà de me fier à la signalétique de l'épreuve, je compte rouler avec Pierre. Il est local et connaît les routes empruntées par le tracé. Du coup, nous nous retrouvons à mener le groupe sur les 8 premiers kilomètres, sans que personne ne vienne nous soulager en prenant le relais.

Il s'avère rapidement que se fier à un guide est une meilleure option que de se fier à la signalétique. Lorsque nous sommes en action, les petites plaques prévues par l'organisation pour nous aiguiller, en bois, marqués d'une flèche directionnelle blanche, ressortent mal dans notre champ de vision. Et puis certaines auront même été arrachées par des personnes mal attentionnées, dans la nuit précédente. Pour compléter, il y a un marquage au sol.

La première section non bitumée du parcours se présente sous la forme d'un chemin, carrossable, mais assez caillouteux, s'enfonçant en grimpant légèrement dans une forêt. Sur quelques dizaines de mètres, le groupe explose. Entre ceux ralentis par les cahots et obstacles et ceux victimes de pincements et crevaisons, lorsque nous retrouvons le bitume après 2 ou 3 kilomètres, nous ne sommes plus que deux, Pierre et moi.
 

Je suis très heureux de mon SwissCross, sur lequel j'ai rapidement trouvé mes marques. De par sa géométrie équilibrée, son acier absorbant les vibrations et sa transmission adéquate, il ne demande qu'à être emmené au train dans les terrains défoncés. Son large guidon permet un placement précis, même à vive allure.

Nous continuons à rouler côte à côte sur la belle piste cyclable aux abords de Faverges, direction sud, toujours à bon rythme. Nous devisons sur le fait que notre pratique du VTT nous octroie l'avantage d'une bonne lecture des trajectoires. Et puis nous nous réjouissons que nos vélos soient équipés d'un système pneus-roues adéquat, étudié pour optimiser le rendement sur bitume tout en résistant aux agressions des pierres sur les pistes. Nous sommes persuadés que le clou de la pratique, et donc de son avenir, réside dans la qualité de cet ensemble. Personne ne veut passer son temps à réparer des crevaisons à chacune de ses sorties. J'en sais quelque chose, c'est ce qui m'arrivait systématiquement avant d'utiliser ce nouveau matériel, au point de l'encenser dans ma vidéo (1), tellement enthousiaste qu'on ne me croit pas sincère (sic).

Encore un peu plus loin nous rejoignons un paquet de coureurs. Du fait de l'intense trafic automobile, ils sont à l'arrêt au croisement de la D1508 qu'il nous faut franchir. Dans mon élan, me glissant par le bord, je me présente au moment parfait, la voie est libre et je traverse avec les premiers, sans poser pied-à-terre. Pierre, en revanche, se positionne derrière le groupe. Il ne me voit pas m'échapper. En face débutent les 15 kilomètres de montée au Col de l'Arpettaz. Pour nous qui faisons le circuit de 90 km, c'est le "gros morceau" de la journée.

Je grimpe seul, à mon rythme, dépassant même d'autres participants, petit à petit. Depuis les hameaux des contreforts, nous entrons dans les longues parties sous couvert forestier, avant de déboucher enfin dans les alpages sous le col. Il nous faut un peu moins d'une heure, en moyenne, pour avaler ce sinueux serpent de bitume, étroit par endroit, vieilli par les intempéries et l'activité sylvicole, craquelé, régulièrement rafistolé par les services de la voirie.

Nous faisons du vélo en montagne et croisons très peu de voitures. La route est à nous, quel plaisir !

Vers la fin de l'ascension, seul dans les ultimes lacets, je suis rattrapé par une cycliste que je n'ai pas vue venir. Elle me double, je m'accroche. Nous échangeons un peu, en anglais, et rigolons de cet effort qui n'en finit pas. J'apprendrai qu'elle vient d'un pays balte.

Au Col de l'Arpettaz, presque un premier tiers des participants est sur place ou déjà repartit. Nous profitons de la terrasse du chalet, où sont servis café, boisson et morceaux de barres de nutrition sportive. Ce sont de bons produits pour l'effort, on refait ses réserves. La plupart des coureurs prennent le temps. Il ne faut pas oublier de faire apposer le tampon sur notre passeport de l'épreuve. On discute, on s'assied en terrasse. La vue est splendide. On attend les copains pour reformer les groupes. Pierre arrive. Il me dit qu'il pensait que j'étais derrière lui et qu'il a commencé par m'attendre. Je regrette ce quiproquo dû à ma manœuvre furtive au pied de la montée, nous aurions pu grimper ensemble. Pas grave, il reste de quoi s'amuser puisque nous n'avons pas fait la moitié de la distance.

Une fois requinqués, nous repartons ensemble.

La partie suivante est la fameuse "Route de la Soif" ; plus de 14 kilomètres d'une piste vallonnée, en balcon entre le Col de l'Arpettaz et celui des Aravis, surplombée par des falaises, à gauche, et ouverte sur le panorama du massif du Mont Blanc, à droite. Dans ce sens, nous allons légèrement monter et descendre, et globalement gagner 347m d'altitude, selon le topo. Si l'effort cardiaque intensif est derrière nous, c'est à notre technique de pilotage et à notre vigilance qu'il faut faire appel maintenant.

Dès les premiers hectomètres sur la piste, au contact des pierres, nous constatons que l'hécatombe de pincements et crevaisons a repris. Par petits groupes, en bordure de chemin, des cyclistes qui nous devançaient réparent. La météo est agréable, la vue grandiose, la bonne humeur persistante, l'entraide évidente. J'éprouve de la frustration pour eux, ce serait quand même plus plaisant que ces coureurs disposent d'un équipement approprié. Stéphane Cognet, le militaire du 13éme BCA de Chambéry, coureur de haut niveau et parrain de l'épreuve, racontera sur son blog (2) les déboires qui l'ont mené à franchir la Route de la Soif sur la moto d'assistance, après avoir réparé plusieurs fois. Il pensait avoir un équipement ad hoc, ayant prévu un cadre et des roues spécifiques. Ce sont ses pneus avec chambre à air qui l'ont trahi, trop fragiles.  

De cette Route de la Soif, nous retiendrons aussi une vision exceptionnelle ; au détour d'un relief, 30 mètres devant nous, trois chamois franchissent la piste, sans hâte. Une femelle et 2 jeunes descendent depuis les pierriers sous les falaises. Nous nous arrêtons et les suivons du regard alors qu'ils évoluent dans les rochers en contrebas. Nous tentons quelques photos, également d'autres chamois, posés, au-dessus de nous. Rien ne nous presse, l'instant doit être pleinement vécu. Ce n'est définitivement pas une course. De prise d'image en discussion, de discussion en partage de quelques denrées, de rigolades en salutations de nouveaux arrivants, quelques minutes passent avant que nous remontions en selle.

Plus loin, bien lancé en descente dans une portion sinueuse, Pierre, alors que nous doublons un participant, se fait surprendre par l'arrivée d'un 4x4 à contresens. Il opère un freinage d'urgence quasiment maîtrisé, mais y laissera tout de même un peu d'épiderme du genou et une douleur dans la paume. Là encore, ses acquis de VTTiste l'ont grandement aidé.

Nous finissons par rejoindre le Col des Aravis, sans incident mécanique. Nous y retrouvons l'assistance Mavic, dont nous pouvons nous passer, ainsi qu'un véhicule et une équipe de secouristes, à qui, par contre, nous demandons de désinfecter et de protéger la plaie.

Une fois le second tampon apposé sur notre passeport, à l'auberge du Col, nous nous laissons filer par le bitume vers la Clusaz. Il n'y a plus aucun coureur visible, ni devant nous ni derrière nous. C'est plus bas, à l'entrée du village, à l'embranchement vers le Col de la Croix Fry, qu'il nous faut faire le choix définitif du parcours, entre celui de 90 km ou celui de 130. Pour nous, pas d'hésitation, nous virons à gauche vers la Croix Fry. Après 20 minutes de montée, déjà bien éprouvés par les efforts précédents, nous basculons par le versant ensoleillé de Manigod dans la longue descente vers Thônes. Les pneus permettent les mêmes vitesses et les mêmes sensations qu'en vélo de route, nous prenons plaisir à emprunter des trajectoires de bord en bord de la chaussée lorsque la visibilité le permet. En tout, nous ne croisons qu'une dizaine de voitures en sens inverse. Les freins à disque, hydrauliques, parfaitement efficaces, renforcent notre confiance dans notre matériel et notre envie de l'utiliser pleinement. Mais attention ! Il ne faut pas s'emballer ! Nous arrivons bien trop vite dans une épingle virant pleine gauche et freinons d'urgence, tirant tout les deux tout droit. Manœuvre sans conséquence, car, heureusement, il n'y avait pas de voiture à la montée ! Nous voilà avertis.

Arrivés à Thônes, nous suivons un marquage au sol qui nous amène au cœur du bourg. Problème, l'endroit est bondé de monde, de stands commerçants et de manèges ; c'est la fête votive annuelle !

L'organisation s'en était enquise et avait modifié l'itinéraire avec un nouveau fléchage. Mais nous suivions l’ancien. Nous aurions dû aisément contourné la ville en bifurquant assez en amont de son entrée. Nous voilà contraints de nous faufiler à travers une foule compacte, d'où émanent quelques remarques désagréables à notre encontre.

Nous regagnons enfin la route d'Annecy, la D909 qui suit la vallée du Fier. Le vent est de face, les voitures nous doublent bruyamment et leurs émanations nous agressent. Il ne nous est plus possible de rouler côte à côte. Quatre kilomètres de plat plus loin, nous approchons de la Nécropole de Morette, cimetière militaire commémoratif des combats contre l'occupant allemand et dernier checkpoint de notre périple.

Nous sommes hélés par 2 garçons sur le bord opposé, de tout jeunes bénévoles enthousiastes. Pour les rejoindre, nous traversons entre les séries de voitures lancées à contresens sur cette portion droite. Avec un sympathique monsieur qui semble être leur père, ils forment l'équipe sur place. L'installation est réduite à sa plus simple expression ; un bidon isotherme posé au sol et quelques barres de nutrition dans un grand sac plastique, en bord de départementale. À ce moment-là, je pense que nos indispensables bénévoles méritent plus de confort pour passer leurs longues journées à l'œuvre, mais eux n'ont pas l'air malheureux. En réalité, ils font contre mauvaise fortune bon cœur ; au motif du respect des lieux, l'organisation a essuyé une fin de non-recevoir lorsqu'elle a demandé l'autorisation d'y installer un ravitaillement.

Tout en apposant le dernier tampon à notre carton, ils nous informent que nous sommes dans les tous premiers à nous présenter ! C'est assez surprenant pour nous, partis en avant-dernière vague et ayant pris notre temps. Certes de nombreux participants des premières vagues ont choisi de faire les 130 km et passeront de fait à ce checkpoint plus tard. Mais ce sont surtout les crevaisons et soucis mécaniques d'un grand nombre qui les retardent et nous propulsent aux avant-postes.

Dans leurs communiqués, les organisateurs invitaient à ne pas hésiter à se recueillir sur les lieux de commémoration, en bordure des circuits. Nous ne sommes pas convaincus par cette démarche, dans ce contexte, et continuons sans attendre. Surtout qu'on se refroidit vite dans ce fond de vallée.

Jusqu'au rond-point d'Alex, la portion suivante est dans la même veine que celle depuis Thône, sans grand intérêt. C'est ensuite, en montant doucement vers le Col de Bluffy, que l'itinéraire retrouve du charme, sortant du fond de vallée, dans un environnement de prairies bercées de soleil et bordées par les hauts-reliefs karstiques typiques de ce coin, entre lac d'Annecy et Aravis. Nous roulons de nouveau côte à côte. Dans le secteur du château de Menthon Saint Bernard, avant le col, on quitte cet axe vers la gauche pour traverser un petit plateau sur quelques kilomètres et plonger directement sur Talloires, profitant du large panorama sur le Lac et les massifs environnants. Nous sommes doublés dans cette portion par un des premiers engagés sur la boucle de 130 km, un grand viking athlétique, tatoué et barbu, juché sur un Cannondale Slate. Et rapide ! Son look correspond au cliché du pratiquant de gravel bike tel que véhiculé outre-Atlantique.

Nous franchissons la ligne d'arrivée un peu avant 15h. Et nous avons faim ! Les organisateurs ont prévu une tartiflette, mais nous apprenons qu'elle n'est pas encore prête. Au soleil, il fait assez chaud. La plage est animée. Nous cédons à la tentation de la baignade.

Puis à celle de la bière, enfin à celle du farniente sur la pelouse.



Au fur et à mesure de l'arrivée des coureurs, des groupes de discussions s'animent, racontent leurs épopées, échangent leurs impressions et, pour certains, leurs coordonnées pour de prochains projets.
 

Toujours dans l'attente de pouvoir nous restaurer, je décide d'aller chercher ma femme chez mes proches, à quelques kilomètres.

En revenant plus d'une heure plus tard, nous nous retrouvons en tenues inappropriées, au milieu des personnes apprêtées et vêtues pour la soirée guinguette qui démarre. La tartiflette est enfin servie, nous la dégustons sous les guirlandes illuminées. L’organisation a fait le choix d’inclure deux boissons avec un plat, plutôt qu’une entrée ou un dessert.

Un groupe de Suédois termine au crépuscule, tous phares dehors, ayant profité au maximum de l’exceptionnelle douceur du climat en ce samedi. Ils ont pris le temps de découvrir la gastronomie locale et le plateau des Glières. L'ambiance de la fête naissante est prometteuse, mais nous n'avons pas prévu d'y prendre part. D'ailleurs il ne reste qu'assez peu de cyclistes, finalement l'essentiel du public est composé de personnes venant pour la soirée uniquement.

La nuit tombe sur le lac d'Annecy lorsque je prends le volant. Nous avons deux heures et demie de route pour rentrer chez nous. J'ai vu le jour se lever sur le même paysage, ce matin. J'ai passé une excellente journée, partagé une belle aventure avec un copain, découvert un coin des Alpes.

Je réalise que cela fait des années que je n'avais pas vécu une manifestation sportive du point de vue du participant et ma perception en est déformée par mes réflexes professionnels. Ceci étant, j'avais des attentes de pratiquant. Je voulais prendre part à un mouvement atypique, partager un état d'esprit. J'envisage le gravelbike comme une mouvance moderne, héritière et prolongement de tout le cyclisme, qui s'échappe des formats classiques, qui colle à la réalité d'un monde en mutation, qui rassemble par la convergence de ses influences.

Il me semble que le concept de La Résistance est orienté pour séduire les Anglo-Saxons ; un assemblage convoquant l'idéal romantique et héroïque des clichés du Tour de France d'il y a un siècle, de La Résistance, des guinguettes. À ce titre les organisateurs ont fait un choix délicat. Je pense qu'il leur faudra rester vigilant à ne pas donner le sentiment qu'ils usurpent la mémoire collective.

Je suis venu faire du vélo, simplement, et c'était bien. En revanche je ne suis pas sensible à "l'enrobage conceptuel" et, pour cette première édition, je ne trouve pas de justification au tarif d'inscription élevé.

Avant d'ouvrir les réservations pour la deuxième édition, qui aura lieu le 16 septembre 2017, les organisateurs ont proposé aux participants de 2016 un prix préférentiel de 60€ au lieu de 70€, si nous nous inscrivions avant le 17 octobre dernier.

Selon le communiqué, cette nouvelle offre inclura :

- le choix entre les 2 parcours : La Résistance Classic (130km) ou La Petite (90km),

- le petit déjeuner et café,

- le pack participant : passeport, plaque de cadre aérodynamique, cadeaux partenaires,...

- les ravitaillements sur les parcours,

- un cadeau,

- un repas chaud et 2 boissons à l'arrivée

Ils ont également décidé de ne pas proposer une formule incluant le maillot de l'épreuve, préférant proposer une gamme de produits dérivés à l'achat en ligne et sur place.

Ils ont identifié les axes d'améliorations nécessaires. L’assistance technique sera plus importante, il y aura davantage de choix et de quantités aux ravitaillements, le repas final sera plus complet. Sur les circuits, les checkpoints et éléments de signalétiques seront renforcés.

À ce titre, il apparaît que peu de personnes ont lu le road book préalablement envoyé par courriel ! Moi non plus. Ha ! Vous avez dit autonomie des coureurs ?

La biz Phil ...

Lien web : La Résistance

Le "Vercors Allroad" by Phil c'est ICI

Un autre CR sympathique, celui de Stéphane Cognet à lire ou relire sur son blog.

 

 

 



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