Un Strada qui fait débat
3T, vous connaissez sûrement cette marque d'abord pour ses périphériques : cintres, potences, tiges de selle et fourches. Mais depuis quelque temps, elle s'est aussi lancée dans la conception de bicyclettes également, comme l'Exploro, un Gravel, et plus récemment même, un vélo de route : le Strada.
Tête pensante de la marque, Gérard Vroomen (ex-Cervélo) a pour habitude de ne pas faire comme les autres. Il aime l'original et sort des sentiers battus. Il adore aussi l'aérodynamisme, c'est d'ailleurs le point commun entre l'Exploro et le Strada. Deux plateformes développées pour être le plus aérodynamique possible avec des pneus de grosses sections. Le Strada n'est définitivement pas un vélo de route "classique" puisqu'il a été développé à la base exclusivement en monoplateau. Un choix singulier qui nous a tout de suite plu chez veloderoute.com, et on ne vous parle même pas des disques.
Depuis sa sortie il y a un peu plus d'un an, le Strada a beaucoup fait parler de lui. Froissant les routiers les plus conservateurs. A l'inverse, les esprits futuristes ont plutôt applaudi des deux mains. L'équipe irlandaise Aqua Blue Sport, qui roule sur les 3T, a également en quelques semaines fait la meilleure pub pour le vélo avant de le dézinguer sur les réseaux sociaux. Un coureur d'Aqua Blue avait gagné au guidon d'un Strada en début de saison, mais plus récemment, l'idylle a pris un tout autre tournant : le manager de l'équipe a critiqué publiquement le vélo et son concept, exprimant son impression de passer, lui et ses coureurs, pour des cobayes. Bref, vraiment pas consensuelle cette bicyclette... Tout ça ne pouvait qu'aiguiser notre curiosité et on mourait d'envie d'aller sur la route avec elle !
Les tarifs des deux versions Team et Pro (une version Limited est également prévue prochainement plus une version Due, voir explications en fin d'article)
- 3799 € le cadre Team
- 8299 € le vélo complet Team
- 3999 € le cadre Team Stealth (entièrement noir)
- 4999 € le vélo complet Pro
La prise en main & les réglages
Le 3T Strada est en vélo qui demande un peu de temps en réglages pour être bien posé à son guidon. Difficile de faire une étude posturale pour deux semaines de test, mais dans le cas d'un achat, l'aide d'un professionnel dans le domaine peut s'avérer vraiment bénéfique. Ce que l'on remarque en premier, visuellement et au pédalage : c'est le positionnement du boîtier de pédalier. Sur la photo de profil à gauche ci-dessus, on voit clairement l'axe de la tige très en retrait. Le cycliste est donc assis très en arrière, les sollicitations musculaires sont déstabilisantes, nos ischions se rappellent à nous en fin de sortie. On a donc commencé par inverser la position du chariot de selle pour s'avancer. La manipulation réclame un peu de patience pour venir à bout de la tige 3T nommée Charlie Sqaero. Sur le papier, le concept apparaît brillant avec deux offsets (0 et 25 mm) et le réglage de l'inclinaison infini. En pratique comme souvent avec les systèmes "une vis", il faut avoir trois mains pour connecter l'ensemble des pièces. Les minutes défilent et l'on arrive tout de même à passer en 0 mm de déport. On ira un peu plus loin dans la logique en avançant d'une manière classique la selle Antares. Sur la route, cette tige Charlie se rappellera à nos bons souvenirs en se desserrant de temps à autre. Nous avons été obligés de s'arrêter pour remettre l'assiette de la selle dans une position convenable. Pas très docile ce Charlie !
Dernier point important avant de prendre la route, l'ajustement du poste de pilotage. Ici, on a le droit à du top niveau avec le cintre AeroNova. Un cintre forcement "aéro" comme le vélo avec une intégration des gaines et durites et un joli plat sur le haut. Ce cintre dispose d'un reach important, attention donc à votre longueur de potence. On a été un peu gêné en début de test pour au fur et à mesure s'adapter. Le Strada n'est pas un vélo qui se roule la truffe au vent, il faut se le mettre en tête. On a apprécié le plat du guidon qui s'abaisse vers l'extérieur créant un calage idéal pour la paume. Cela permet aussi d'avoir les mains en haut sans trop relever la position. Une configuration appréciable pour les montées qui ne vont pas se faire en danseuse.
Le roulage
On a mis notre plus belle tenue "aéro" pour aller rouler sur nos routes habituelles. Le Strada nous a été livré avec un plateau de 50 dents et une cassette de 11-36, une transmission Sram Force 1. Un groupe que nous avons plus l'habitude de rouler en cyclocross ou en Gravel. Concernant les développements, le choix du cinquante dents ne nous effraie pas, on a l'habitude d'y laisser la chaîne sur notre pédalier compact. Cependant, pour ce début de sortie, nous n'avons pas la possibilité de mettre le trente quatre dents pour tourner la jambe. C'est un peu marrant de voir qu'avec ce vélo, il faut réapprendre à passer les vitesses. Il faut jouer avec le levier de droite et faire monter la chaîne même sur le plat. On en revient au même constat, le Strada est un vélo qui réclame un temps d'adaptation.
Son terrain de jeu de prédilection, c'est l'asphalte noir et chaud de cet été brûlant. Le Strada excelle sur le roulant, le vélo est réellement grisant une fois lancé. Avec ses 7,8 kg et ses grosses roues en 60 mm, il doit être un peu bousculé, mais quand on a pris de la vitesse, ça envoie vraiment fort. Les pneus Compass en 28 mm vont eux faire un superbe boulot, ils apportent rendement, facilité de pilotage et confort. Justement, le confort est quand même un point limitant d'une manière générale sur ce vélo. Le Strada est clairement destiné aux sportifs entraînés, on ressent la route et ses moindres aspérités. Le triangle arrière est très compact, un peu comme sur un vélo de contre la montre. Il ne faut donc pas hésiter à mettre de plus grosses sections, pourquoi pas du 30 mm ! Le Strada est prévu pour, donc pourquoi se priver. Le confort de fonctionnement de la transmission est un peu archaïque également, les vitesses tombent brutalement. Un constat accentué par les écarts importants entre deux pignons. On n'a rien sans rien, autant le onze dents ne nous a pas beaucoup servi, autant le trente six a été salvateur dans certains raidars. Surtout ceux qui finissent de vous rincer après cent bornes !
Lors des ascensions, le Strada va beaucoup s'utiliser en danseuse, voire même en force. Tant que vous pouvez lui en donner, il vous amènera rapidement au sommet. En contrepartie, l'homme et le vélo vont marquer un peu plus le pas dans les pentes les plus raides. Si le bitume se dégrade pour corser le tout, il faudra prendre le temps pour gravir la difficulté au tempo en conservant une bonne cadence de pédalage.
Pour conclure, ce vélo nous laisse une impression contrastée, il est à la fois le plus le rapide jamais testé sur certains secteurs et à la fois un vélo tellement exigeant qu'il en devient contre-productif pour la performance. La question est de savoir si nous étions faits pour ce vélo, probablement pas à 100 % clairement. Pour nous, le profil type serait plus celui d'un solide puncheur/rouleur avec des watts et un passé de pistard pour toujours garder une cadence de pédalage optimale.
La bombe Strada Due
Durant notre test, on a appris la sortie d'un Strada en version Due avec un dérailleur avant et un pédalier double. On a pris quand même un petit coup derrière la tête, le mythe du vélo développé exclusivement pour le "One By" s'est effondré d'un coup. Si l'on en croit les dires de Gérard Vroomen, cette version Due a été créée pour les cyclistes désirant monter des groupes électriques. Un argument peu convaincant puisque l'on peut très bien monter un groupe Di2 avec seulement un plateau à l'avant, surtout depuis l'arrivée sur le marché du dérailleur Ultegra RX (disponible en version mécanique et Di2) qui va assurer une meilleure tension de chaîne dans toutes les situations. C'est d'ailleurs dans cette configuration que nous monterions un Strada "Uno" en cas de gros gain à la loterie. Pour revenir au Due, il apparaît finalement être une bonne chose. Le Strada n'est pas un vélo pour "Monsieur tout le monde", le rendre un peu plus accessible avec une transmission double est donc assez logique. Le vélo reste le même avec ses qualités et ses défauts et surtout son look unique. La dernière chose au sujet du Due est de savoir si l'équipe Aqua Blue Sport va l'utiliser en compétition en remplacement du Strada. On peut penser que les coureurs auront le choix, lequel vont-ils faire ?