Mavic : mise au point sur la situation actuelle... et le futur !

L’an dernier, Mavic avait failli disparaître du monde du vélo. Sa reprise par le groupe Bourrelier a permis à la firme annecienne de revoir son positionnement et de miser sur des valeurs nobles. Nous avons profité d’une session test, réalisée sur nos terres, pour faire le point de la situation, pour parler roues, gravel et futur avec Maxime Brunand (responsable roues route) et Michel Lethenet (responsable presse).
Publié le 01/07/2021 08:57 - - 2 commentaires

Texte : Amaël Donnet

Photos : Amaël Donnet & Mavic

 

Cette discussion entre passionnés, sans langue de bois, a commencé autour d’un café, elle s’est poursuivie lors d’une virée à vélo pour se conclure autour d’un petit repas. Cela part dans tous les sens et au final, le tutoiement s’est imposé. Cependant, le plus important ne réside pas dans la forme, mais dans le contenu et la profondeur des échanges.

 

Vélo de Route : Cela fait bientôt un an que Mavic a été repris par le groupe Bourrelier. Comment s’est passée cette intégration, êtes-vous désormais complètement adaptés à cette nouvelle situation ? Quels ont été les principaux changements ?

Maxime Brunand : Les changements sont déjà tangibles, mais nous sommes toujours en phase de transition. L’adaptation des stratégies, l’évolution des gammes sont déjà actives, mais nous travaillons encore sur notre sortie du groupe Amer Sports. Pour finaliser cette transition,  nous allons quitter l’ADC (Annecy Center Design) et rejoindre nos nouveaux lieux. Le groupe Bourrelier nous prépare nos nouveaux bâtiments, nous allons nous y installer en décembre.

Maxime Brunand, le concepteur des roues route chez Mavic

 

Michel Lethenet : Débrancher Mavic d’un groupe comme Amer Sports, cela ne se fait pas du jour au lendemain. Il y a beaucoup de choses à reprendre, je peux citer comme exemples le service comptable ou le service informatique qui étaient partagés par les membres du groupe Amer. Nous n’avons pas connu un tel changement depuis 1994 (rachat par Salomon). Nous redevons également une entreprise familiale dotée de capitaux personnels et indépendants.

 

Michel Lethenet, responsable presse Mavic

 

VDR : Mavic reste sur Annecy ?

ML : Nous restons dans l’agglomération d’Annecy, on bouge à plus ou moins un quart d’heure de là où nous sommes actuellement.

 

VDR : Il y avait pas mal de synergie avec les acteurs du groupe, notamment Salomon, pour le développement de certains produits tels que les chaussures ou les casques, le fait de redevenir indépendant laisse d’un certain aspect plus de liberté, mais est-ce que cela ne pénalise pas la recherche ?

MB : Nous avons plus de libertés pour aller là où nous souhaitons nous diriger vers le futur, c’est un gros plus. Le plus gros inconvénient réside sur le développement des produits tels que les chaussures, les casques et les vêtements. Dans ce domaine, la collaboration était étroite avec les autres membres du groupe, surtout Salomon. Je précise que malgré ce qui a été un peu annoncé, de manière hâtive au départ, nous ne voulons pas quitter ce segment. Cependant, le temps de créer nos propres réseaux, nous allons temporiser dans ce domaine. Nous avons un objectif très clair, nous souhaitons nous centraliser en Europe.

ML : Je reprends les dires de Maxime. C’est le maître-mot, nous sommes une entreprise française fortement ancrée dans l’Europe. Avec nos nouvelles gammes, aujourd’hui le 97% de nos roues sont fabriqués en Europe. Les 3% restants concernent quelques pièces détachées sourcées en dehors de l’Europe. La conception est assurée à Annecy, les pièces composites et le montage sont réalisés en Roumanie. Nous avons ce partenaire depuis trente ans, c’est presque une filiale… Et ce même si au niveau juridique ce n’est pas le cas !

 

VDR : Précisons, ce recentrage concerne toute la gamme, juste ?

MB : Pour les roues, nous avons une grande volonté d’investir dans nos sites de production, à la fois dans notre usine de Saint-Trivier-sur-Moignans où nous fabriquons le 100% de nos jantes en aluminium et en Europe de l’est. Là nous allons investir ces deux prochaines années plus que ce que nous l’avons fait durant les dernières quinze années. Nos investisseurs croient vraiment en notre capacité de production.

ML :  De gros investissements vont être réalisés à Saint-Trivier afin de moderniser le site de production. Les jantes en alu sont fabriquées là-bas depuis 1964. Des travaux vont permettre de fiabiliser la production et de supprimer certaines opérations manuelles qui pouvaient créer trop de déchets ou de rebut. Nous allons améliorer le processus de qualité et nous doter d’une certaine souplesse dans la production afin de mieux répondre à la demande du marché et aux tendances à venir. Ce travail est déjà en cours de réalisation, cela va vite. C’est impressionnant, avec le groupe Bourrelier, les décisions et les mesures sont rapidement mises à exécution. Cela bouscule nos habitudes, mais cela va dans la bonne direction. C’est vraiment bien.

 

VDR : Allons nous voir arriver de nouveaux produits plus régulièrement, la vie de gamme va-t-elle être réduite ?

ML : Il ne faut pas confondre vitesse et précipitation, de plus nous devons suivre la demande du marché.

VDR : Cela me fait penser à une phrase d’un ministre de mon pays : agir aussi vite que possible, mais aussi lentement que nécessaire ! (rires)

BM : Je ne crois pas que nous allons suive la société actuelle. Cette dernière veut que l’on en fasse toujours plus, et ceci en permanence. Nous entendons de la part de nos clients une demande de ralentir. Nous n’allons pas rentrer dans la course à la nouveauté, nous allons en priorité stabiliser nos gammes. Aujourd’hui, le plus gros challenge réside de produire à la bonne quantité et à la bonne qualité. Alors oui, il y aura toujours de l’innovation chez Mavic, mais il ne faut pas s’attendre à ce que les gammes soient renouvelées en permanence.

ML : Je rajoute également qu’au sujet de l’innovation, tu ne la décides pas comme ça… C’est une longue approche. Nous avons une approche durable, nos produits sont réparables, le programme Mavic Care assure des garanties. Les roues en carbone sont garanties à vie dès cette année, il existe des programmes en cas de casse et de fidélité. Quand un modèle est stoppé, nous gardons les pièces de rechange durant cinq ans. Ce délai dépassé, nous essayons de trouver des solutions pour notre clientèle. Nous ne faisons pas du produit jetable. Nos gammes ont été réduites de moitié, ce n’est pas pour rien.

 

En préambule à ce interview, nous avons fait découvrir à Maxime et à Michel un de nos parcours de test qui alterne un peu toutes les difficultés que l’on peut rencontrer en vélo.

 

VDR : Que l’on le veuille ou non, le monde du vélo et de la roue s’est accéléré ces dernières années. Tout comme en VTT, puis en cyclo-cross ou en gravel, et désormais en route, les disques prennent de l’importance et le tubeless pointe son nez malgré quelques réticences. Le futur rime-t-il avec disque et tubeless ? La question est brûlante, les conservateurs sont inquiets, le freinage à patins est-il condamné à disparaitre ?

MB : Le freinage à disque a été imposé par l’industrie aux consommateurs. Il y a toujours beaucoup de vélos à patins en magasin et en reventes (occasions), la transition va être longue, tout le monde n’est pas prêt à aller vers le disque. Nous proposons toujours des modèles à patins et ce même si certaines roues sont développées exclusivement pour les disques. Mais pour répondre à la question, oui cela me semble être inévitable. Nous faisons de l’innovation sur nos nouveaux produits et pour ceux qui seront demandés demain, mais c’est très difficile de savoir à quel rythme et quand il faudra abandonner les patins.

ML :  Bien que nous ayons réduit la gamme, il nous reste encore quatre ou cinq modèles à patins. En même temps avec la nouvelle dimension de notre société, nous avons une certaine souplesse. Une fois que l’on aura stabilisé notre business, ce n’est pas encore le cas, il sera éventuellement possible de faire des petites séries à patins pour répondre à des demandes particulières. Après il faut que cela soit quand même pérenne, car au final nous ne sommes pas passés loin de la fermeture. Alors quoi que l’on en dise et même si nous ne sommes pas en bourse, nous nous devons d’être rentables. Il faut pouvoir se financer, rien que pour répondre aux besoins d’investissement et de recherche et développement notamment. Donc au final si la demande est ridicule en rapport de ce que cela coûte, on laissera ça à d’autres marques. L’époque où nous avions des gammes à rallonges pour couvrir tous les segments est révolue. Nous devons être raisonnables et faire correspondre notre offre à la taille que nous faisons aujourd’hui et à la demande

MB : L’exclusivité disque concerne nos roues en carbone assez extrêmes : les jantes hautes de soixante-cinq et trente-deux millimètres sont exclusivement dédiées en disque. En versions à patins, il existe toujours deux modèles en quarante millimètres. En alu et en entrée de gamme, les deux standards cohabitent.

Michel Lethenet s’amuse sur la pump-track située à côté du siège de l’UCI. Il roule en frein à patins, le disque ne l’a pas encore tué !

 

VDR : Du côté des ventes, le disque prend-t-il le dessus ?

MB : Le disque prend le dessus petit à petit, cela se fait progressivement. Par contre en première monte, plus personne ne nous demande des roues à patins.

ML : Il y a une grande différence entre la première monte et ce qui se demande en magasin en aftermarket, là les roues à patins sont encore très demandées.

 

VDR : Si le disque prend gentiment son envol, le tubeless est lui un peu à plat… ! Il a de la peine à s’imposer. Pourquoi ?

MB : Le tubeless et le disque sont arrivés un peu en même temps sur le marché, mais il n’y a pas de corrélation entre les deux. Le disque avance plus vite que le tubeless alors que ce dernier n’impose que peu de changements. Il est possible de rouler avec des pneus traditionnels sur des roues tubeless, alors que si on adopte le freinage à disque, il n’existe pas d’intercomptabilité. Il subsiste encore pas mal de disparité dans l’offre, certaines combinaisons entre pneumatiques et jantes ne sont pas simples. Nous avons des clients exigeants et ils ont du mal avec ceci. Je pense également que cela rebute un peu les gens à cause du liquide préventif ou de l’étanchéité à réaliser. Pourtant si le travail est bien fait, le tubeless a tellement d’avantages ! Le travail qu’il nous reste à réaliser ne concerne pas les produits, nos solutions tubeless ont été approuvées par l’industrie et c’est reconnu comme standard ERTO et ISO. Ce travail à faire se situe au niveau éducatif. Les personnes qui roulent depuis trente ans nous disent souvent qu’il n’est pas nécessaire de leur expliquer comment installer un pneu… Et pourtant ! Mais désolé, c’est oui ! Le tubeless demande quelques astuces qu’il est nécessaire d’appliquer pour éviter de galérer. J’ai vécu cette situation de nombreuses fois. Alors que des cyclistes galéraient, après leur avoir démontrer le bon processus, l’affaire était réglée très vite.

 

Sur ce sujet, concernant les roues Comic SLR 45 , Maxime démontre en vidéo les bons gestes à faire pour réaliser un montage tubeless.

 

VDR : En plus de cet apprentissage, le discours de certaines marques, qui font volte-face ou qui se lance à fond dans ce concept, complique aussi la donne, non ? Je pense tout particulièrement à Specialized pour ses nouvelles roues exclusivement compatibles tubetype et aux nouvelles Zipp qui ne doivent être montées qu’avec des pneus tubeless.

MB : Dans l’industrie du vélo, nous sommes un peu tous surpris du volte-face de Roval et de Specialized, c’est assez bizarre. Nous avons nos interprétations, mais nous les conservons pour nous… Zipp a fait le choix de ne pas mettre de crochets sur ses jantes de route, ils sont donc liés à une certaine rigidité et diamètre de tringles qui sont mieux maitrisés sur les pneumatiques tubeless ou tubeless ready. De ce fait, pour éviter tout problème, Zipp conseille d’installer uniquement des pneus tubeless ou tubeless ready et ce même en combinaison avec une chambre à air. Dans ce cas de figure, c’est le pire des deux mondes, mais cela va rassurer les gens. C’est l’inconvénient de proposer du hookless (sans crochets) et Zipp l’assume. Sur ce sujet j’en ai beaucoup discuté avec Bastien (responsable roue Zipp).

 

Le tubeless est fiable, mais cela ne veut pas non plus dire infaillible !

 

Vous trouverez ici quelques explications de Bastien Donzé sur les choix pris par Zipp.

 

ML : Il faut aussi laisser le temps faire son œuvre, en VTT le tubeless a aussi mis du temps à s’imposer. Certaines choses sont ancrées dans les esprits. Mais si quelqu’un est sensible aux bienfaits la technologie et qu’il procède à un essai d’un montage classique ou tubeless, là, il va vite comprendre. Que cela soit en descente, au niveau du grip et du confort, les différences sont notables. Il y a certaines habitudes de montage à revoir, mais cela va se tasser et le tubeless devrait se développer. Mavic essaie de simplifier les choses en proposant par exemple des jantes qui ne nécessitent pas l’utilisation d’un fond de jante étanche. Toutes nos roues en alu sont sans fond de jante et il en va de même pour nos roues haut de gamme en carbone. Il n’y a donc plus de transfert possible du liquide préventif qui passe sous le fond de jante. Ceci crée outre des fuites, et dans le pire des cas une corrosion des écrous de rayon.

MB : Tu le sais, un fond de jante, c’est bien quand c’est neuf. Toi et moi nous avons déjà fait l’expérience, dans la durée et quand il faut changer de pneus, il convient parfois de changer de fond de jante. Là il faut tout démonter, nettoyer, dégraisser, puis réinstaller un fond de jante. Avec nos roues en alu et nos roues en carbone haut de gamme ceci appartient au passé. Nous considérons cette amélioration comme une réelle innovation, cela améliore la vie de nos consommateurs.

ML : Le scotch c’est pratique pour les constructeurs et c’est  pas cher, mais c’est tout sauf une solution parfaite.

 

VDR : Ah les complications de montage… Je crois que j’aime bien ça ! Que pensez-vous des inserts que l’on peut utiliser en montage tubeless pour mieux maintenir le pneu en place, pour protéger la jante ou pour pouvoir rentrer à «plat» ? C’est assez courant en VTT, et désormais certaines marques du genre Effetto Mariposa ou Vittoria se lancent sur le marché route ou gravel

ML : En gravel cela peut avoir du sens, mais franchement, en route tu crèves souvent toi ? Entre les questions que l’on se pose et les statistiques du terrain, parfois il faut se poser les bonnes questions.

 

VDR : J’avoue ne pas crever souvent, tant en route, qu’en gravel. Du coup je pars souvent sans matériel de rechange… Mais il m’est quand même arrivé quelques surprises !

MB : Je pense qu’il est légitime de chercher à résoudre ces éventuels problèmes, mais comme je parlais plus haut, ces inserts ne vont pas simplifier le montage. Autant en VTT avec les jantes et les pneus larges, tu y arrives plus ou moins facilement, en route cela risque d’être bien plus compliqué. De plus, rajouter du poids à ce niveau là de la roue, ce n’est pas idéal pour les performances. L’inertie sera plus élevée. OK tu peux rentrer à plat, mais avec un bon tubeless, la tenue est aussi bonne à plat. Donc oui, je ne peux comprendre, mais de là à le conseiller.

ML : La solution quand tu crèves en tubeless, c’est de mettre une chambre à air.

MB : Ou une mèche !

 

VDR : Je veux bien, mais parfois c’est presque impossible d’enlever un pneu tubeless bien «clipsé» sur la jante. Il m’est arrivé de devoir utiliser une pince !

ML : C’est là qu’il convient de bien maîtriser le montage et le démontage du tubeless. Il convient de comprendre le processus et les raisons de le suivre, comme, par exemple mettre la tringle bien dans la gorge de la jante et de finir le montage à la valve.

MB : Ce cas de figure fait partie des améliorations que nous avons apportées à nos roues. Même si c’est peu visible à l’œil nu, dans les gammes que nous avons lancées en septembre 2020, nous avons légèrement modifié la forme de la jante afin de faciliter le montage et le démontage du pneu

 

VDR : Certaines jantes deviennent vraiment larges, jusqu’à 25mm en interne, et parfois les crochets disparaissent ? Dans ce domaine Mavic reste plus consensuel, est-ce une volonté de respecter la tradition, des choix techniques validés ou pas, ou au final ou allez-vous suivre cette tendance. Quelles en sont les avantages et les inconvénients de ces deux particularités techniques ?

MB : Il faut savoir que les jantes sans crochets existent depuis les années vingt (1920), les crochets ont été inventés après. Cette technologie a été remise au goût du jour, en combinaison avec des jantes larges, et ce pour différentes raisons. Il y a tout de même certaines restrictions au niveau du choix des pneumatiques et des pressions. Après il est toujours possible de faire du large avec des crochets… Mais il est vrai que construire des jantes larges, sans crochets, cela facilite le processus de fabrication, je comprends donc ce choix. De notre côté, pour des questions de sécurité, pour ne pas être limité dans le choix des pneus, nous ne faisons pas de sans crochets sur la route. Par contre, en gravel et en VTT, tout le monde accepte de rouler en basse pression, il n’y a pas de problème et donc là nous proposons cette solution. En route, c’est compliqué de faire passer le message que de rouler à cinq bars c’est bien, note que ce n’est pas le cas dans toutes les conditions. La limite est de cinq bars par la norme ISO, celle-ci on ne peut pas y couper.

ML : Le tubeless demande déjà de s’y habituer, alors si en plus tu rajoute des contraintes là-dessus, je pense que cela fait beaucoup à intégrer.

MB : J’aimerais revenir sur la largeur. Nous voyons que beaucoup de concurrents qui sous prétexte d’innovations élargissent les jantes de deux, trois, quatre ou cinq millimètres. Ils ont fait leurs recherches et ils ont montré que dans certaines conditions cet élargissement est bénéfique. De son côté Mavic a réalisé le même travail : en effet, dans certaines conditions, c’est mieux, notamment lorsque les routes sont très dégradées. Mais dans d’autres cas de route plus normales, c’est moins bien l’avantage n’est pas flagrant du tout. Mavic n’est pas la marque la plus amène à dire, ne se contente pas dire « OK on y va mettre un peu plus de largeur ». car On s’occupe se focalise sur d’autres choses comme par exemple d’ l’amélioration de l’expérience tubeless. Nous avons aussi buché sur les moyeux afin de n’avoir qu’une seule référence de rayon pour l’avant et l’arrière. Il est aussi possible de changer un rayon sans avoir à démonter le pneu ou le disque. Ces travaux bénéfices utilisateurs nous semblent être plus concrets et plus tangibles. Passer d’une jante de 19 à 21mm, ou de 21 à 25mm, est-ce que monsieur tout le monde va-t’-il sentir la différence ? Certains sont très sensibles, tu en fais certainement partie, mais ce n’est pas une généralité. Si nous donnons l’impression de subir cet élargissement, ce n’est pas le cas. Et si demain tout le monde veut du 25mm, on le fera, mais nous continuerons à nous différencier sur d’autre critères.

ML : Aujourd’hui nous préférons mettre nos effort sur la pérennité de nos produits plus que de sauter sur chaque nouvelle tendance qui apparaît. Nous avons peut-être une approche prudente et nous nous concentrons ailleurs. Notre nouvelle roue-libre à rochets qui dispose de peu de pièces en mouvements. Celle-ci est très fiable, très facile à entretenir. Il en va de même pour la rondelle ondulée qui ajuste automatiquement la pression sur les roulements afin d’assurer une bonne fluidité. Mavic souhaite améliorer la commodité d’usage.

MB : Ce type de message est plus difficile à faire passer que des gains en matière de performance. Mais au final, c’est ce que réclame nos consommateurs.

ML : Et comme tu le disais en roulant, l’aéro passe en premier par sa position sur le vélo. Alors si tu  t’entraînes, tes quatre watts tu les gagnes aisément !

 

Bientôt en haut de la bosse ...Mais pas de cet ITV !

 

VDR : Je vais jouer au chieur… Concernant la largeur, existe-il une dimension idéale et ce en fonction de la hauteur de la jante ?

MB : Plus que la largeur, il est important de rouler à la bonne pression. Car entre 5.5 bars et 5 bars, cette infime différence peut suivant les conditions ruiner les performances. Il est donc nécessaire d’avoir une bonne pompe et d’être sûr de la pression. C’est aussi pour cette raison que nous avons créé une application, il en existe également d’autres. Plus le pneu est volumineux, plus la jante est large, et plus les différences de pressions seront marquées. Une infime différence de pression engendre de grandes différences de comportement. Cela devient pointu. Une différence de 0.3-0.4 bars sur une jante large peut ruiner tous les bénéfices. Une jante large peut amener de bonnes choses dans des conditions bien définies. Désolé, mais c’est une réponse de Normand.

ML : Nous faisons des jantes depuis très longtemps, si nous avions trouvé la recette parfaite sur ce ration de largeur, nous l’appliquerions. On a tendance à l’oublier, mais une roue est composée de nombreux éléments, la bonne équation est complexe à trouver.

MB : Les vélos et les pratiques évoluent, nous sommes qu’une pièce d’un puzzle.

 

VDR : Les roues deviennent de plus en plus spécifiques ou de plus en plus polyvalentes, aéro ou montagne, quels sont les points d’améliorations qui restent à peaufiner ? Existe-t-il un nœud qui bloque les améliorations, comme par exemple un élargissement des K7 toujours plus important ?

MB : Entre une cassette de neuf pignons et une de treize pignons, la nappe du côté de la roue-libre est identique. Mis à part Rotor, les fabricants de transmissions se sont arrangés pour ne pas impacter le parapluie de la roue. Donc oui ce point impacte la roue, mais il ne sera pas résolu tant que les vélos ne seront pas équipés d’une boîte à vitesses intégrée. Là, il sera possible de faire beaucoup, de chose au niveau de la roue arrière. Mais ce n’est pas pour demain, car il y a pas mal de souci au niveau du rendement de ces boîtes de vitesses. Les frottements internes sont trop importants vis-à-vis d’une transmission classique. Donc pour le moment, le facteur le plus important réside dans les limites de la fiabilité. Les améliorations possibles passent également par la recherche de nouveaux matériaux. Comment pouvons-nous faire de nouveaux rayons, de nouvelles jantes ou de nouveaux moyeux plus léger sans compromettre leur fiabilité.

ML : Par le passé nous avons fait des erreurs, nous ne sommes pas infaillibles. Aujourd’hui, nous sommes plutôt contents de la gamme. Cela va dans les bons sens. En jouant avec les limites de la fiabilité, pour améliorer le rendement et l’efficacité tu prends obligatoirement des risques.

 

VDR : L’idéal pour optimiser les roues, ne serait-ce pas de proposer des montages à la carte comme certains monteurs de roues le proposent ? Il serait par exemple possible de choisir le type de carbone et le drapage utilisés en fonction du poids et de la puissance du cycliste. Est-ce une piste que vous avez explorée ?

MB : Nous avons la capacité aujourd’hui de le faire à travers notre unité de prototypage, mais nous ne sommes pas organisés au niveau de l’industrialisation. C’est un axe de réflexion pour Mavic, nous réfléchissons comment répondre à des demandes particulières. Il existe des pistes pour le faire et peut-être qu’un jour on proposera ce service.

ML : On commence par proposer des autocollants personnalisé en collaboration avec Slick Graphics (rires). Il y a quelques années nous avions lancé un programme de personnalisation de roues, il était alors possible de changer les roulements, de graver les roues et d’avoir des jantes en aluminium plus ou moins travaillées. Je ne sais pas pourquoi, mais cela n’avait pas rencontré un grand succès. C’était peut-être nous qui n’avions pas réussi à bien commercialiser cette option. C’est également envisageable qu’il semble y avoir une certaine demande et qu’au final celle-ci est plutôt réduite.

MB : Aujourd’hui nous travaillons avec des monteurs de roues, comme par exemple Asterion, qui peuvent utiliser des jantes spécifiques ou à nos moyeux.

 

VDR :  C’est juste, à ce sujet vous pouvez relire notre essai concernant l’ensemble Mavic CX Pro RDO

 

ML : Je précise aussi qu’en maîtrisant tous les paramètres d’une roue, de la jante en passant par les rayons et les moyeux, nous pouvons pousser les curseurs plus loin que ceux qui assemblent des roues à travers des composants étudiés séparément.

 

VDR : Nous sommes d’accord, le gravel est devenu plus qu’une mode. Mais qu’est-ce que cela représente pour vous ? Quel est votre vision de cette pratique 

MB : Si le gravel a pu être une mode au début, ce n’est plus le cas. Maintenant ça a un tel engouement et cela devient si gros, c’est que ça répond à une certaine demande. Les gens veulent avoir plus de liberté, il souhaite s’échapper, voir plus loin et être plus autonome. Ça correspond aussi aux nouveaux pratiquants du vélo qui ne suivent pas les codes de la route ou du VTT.

 

VDR : Est-il nécessaire de développer des roues spécifiques pour le gravel ? Ne serait-ce pas envisageable de détourner plus simplement des roues de VTT ou de route suivant sa pratique du gravel ?

MB : Nous avons eu la même question, il y a quelques jours sur Bike Rumor. Notre réponse n’a pas eu que des bons retours. Mais voici ce que l’on applique pour nos roues. Déjà pour prendre des roues de route ou de VTT, il existe les soucis de standards. En VTT les entraxes sont de type boost (15X110 et 12X148), en route ou en gravel on utilise du 12X100, 15X100 et 12X142. C’est donc pas possible avec les roues actuelles de VTT, mais cela peut jouer avec les roues anciennes. Et si l’on prend des roues de route, ces dernières sont-elles assez larges au niveau de la jante pour installer des pneus de gravel ? En plus de ces soucis de comptabilité, nous avons remarqué que les fiabilités des roues de route ou de VTT diffèrent sur deux points principaux. La durée d’une vie d’une roue dépend principalement du nombre de tours qu’elle effectue. A durée équivalente entre une pratique route ou VTT, la roue de route effectue plus de tours. À chaque tour de roue, les rayons se tendent et se détendent. Une fois sur le vélo, nous sommes suspendus sur les moyeux, les rayons se tendent et se détendent à travers des cycles de charge et de décharge. Plus il y a de cycles et plus on se rapproche de la fatigue intrinsèque des matériaux. Donc sur ce critère précis, les roues de route sont plus renforcées. A contrario en VTT les roues sont plus robustes pour résister aux chocs. Et du coup le gravel, où se situe-t-il ? Le gravel se trouve à cheval entre les deux. La largeur et la résistance aux chocs s’inspirent du VTT. Et en même temps un adepte de gravel fait des bornes. C’est donc une vraie roue hybride que nous devons faire, celle-ci possèdera la résistance d’une roue de VTT XC et l’endurance d’une roue de route. C’est assez compliqué comme réponse, mais elle répond à la réalité. Si une personne prend une roue de VTT pour rouler en gravel et qu’il roule beaucoup, cette personne s’expose à des problèmes de fatigue anticipée.

ML : Chez Mavic nous essayons de peaufiner les détails. Il est possible de construire un produit moyen qui passe partout, mais ce n’est pas notre vision.

MB : Sinon pour revenir au gravel, il y a tellement de pratiques différentes que ce terme est un peu un fourre tout. Chacun met ce qu’il veut derrière. La semaine dernière j’ai fait un tour de cent quarante kilomètres et sur la globalité il y avait sept kilomètres de gravel. J’ai pris mon vélo de route, j’ai fait gaffe et ça s’est bien passé. Une autre personne qui roule à 95% en sentiers engagés, il n’aura pas les mêmes besoins que moi sur mon tour. Les choix seront différents en largeurs de pneus, en roues…

ML : Pendant des années, on roulait sur route en 19 ou en 21mm, personne n’allait en tout terrain avec ça, sauf peut-être toi (rires). Maintenant c’est différent, si tu es en route, en pneus de 28mm et qu’il y a un chemin, tu le prends. En gravel au final, c’est comme en VTT. Il y a beaucoup de pratiques, car cela dépend du terrain de jeu. Un mec qui fait du gravel aux États-Unis cela ne ressemble à rien à une personne roulant dans les Alpes. Un gars qui met des sacoches et qui part en voyage, c’est aussi une autre histoire. Le gravel ce n’est aussi pas une émanation du cyclo-cross. Si au début certains prenaient un cyclo-cross et ils l’étiquetaient gravel, désormais ce n’est plus le cas. Il y a une vraie recherche sur les géométries et le matériel, cela prouve bien que ce n’est pas une mode.

Nous n’avons pas attendu le tubeless et les pneus de 28mm pour quitter les routes asphaltées.

 

VDR : Vu que le gravel est un fourre-tout, faut-il le segmenter comme le VTT ou la liberté de pratique prime ?

MB : Pour moi, il faut simplement rester avec le besoin des pratiquants, le gros avantage du vélo du gravel c’est sa polyvalence. Si on commence à faire des sous-catégories, on va trop typer le vélo et il perdra son atout principal. Si on regarde le Whish One , on voit que ce vélo est performant et il sera aussi très bien pour faire du voyage. Si je ne pense pas qu’il faille segmenter la production de roues gravel chez Mavic, mais pour un constructeur de cadre cela peut être le cas.

ML : Si la personne ressent des besoins spéciaux, elle peut partir sur du sur-mesure. Il existe des solutions pas très chères aujourd’hui, je pense entre autres à Caminade ou à Distance. Il ne faut pas vouloir trop mettre d’étiquettes.

 

Voyage, vélotaf, gravel américain, aventures en montages, compétition ou petits délires, à chacun sa pratique gravel !

 

VDR : Dernière question, car sinon nous sommes partis pour rédiger un roman, tout comme en VTT, en gravel il y a une cohabitation en deux tailles de roues. Quels sont vos avis sur le 700 et le 650 ?

MB : Le 700 est plus standard, c’est un peu comme le 29’’ en VTT. Dans cette pratique on voit que le 29’’ est le plus présent. C’est un peu étrange de mettre plus petit. Mais c’est un intermédiaire qui aura du sens en mettant un pneu plus gros qu’en 700. Maintenant si les géométries évoluent comme elles ont évoluées au début du 29’’, et qu’il sera possible de mettre du 700X50, voir plus, comme Open, ça peut tuer le 650. Mais cela reste à voir. Mais ce n’est pas à nous de décider de cela, c’est aux cadreurs et au marché de le faire.

Ce Cannondale et ce Kona sont montés en roues de 650. Est-ce une espèce en voie de disparition ?!?

 

ML : Le 650 peut avoir un grand intérêt sur les vélos de voyages très chargés et suivant la taille de la personne. L’inertie plus faible est aussi parfois un avantage sur les longues distances ou pour ceux qui ont moins de force physique.

MB : Aujourd’hui le gravel se cherche encore un peu, du coup Mavic propose les deux offres. La version 650 possède une jante plus large car elle serait souvent utilisée avec des pneumatiques plus larges qu’en 700.

ML : Nous avons fait le choix… d’offrir le choix ! (rires)

Alors, elles vont comment ces SLR 45 ? Blabla… Patience, affaire à suivre tour prochainement !



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  • 2 Commentaires


    avatar  Publié le 2021-07-08 11:16:00 par Krystau

    Ce commentaire a été supprimé par l'utilisateur
    avatar  Publié le 2021-07-08 11:23:18 par Krystau

    Conversations très intéressantes .. :-)
    C'est intéressant de lire des analyses des concepteurs de produit et de mieux comprendre les orientations choisies.

    Mais je note toujours la frivolité technique de Mavic sur les largeurs de jantes ! J'ai souvenir du temps sidérale pour élargir leur jante VTT de 17mm interne avec leur argumentation technique de l'époque, puis d'y venir des années après d'autres. Mais c'était un autre temps et tous à beaucoup évolué depuis ..
    Bon vent à la nouvelle aventure Mavic..
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