Ces rediffusions sont des moments d'anthologie. Attaques et contres se succèdent sur des milliers de mètres de dénivelé... Virenque parle de l'arrivée à l'altiport de Courchevel comme d'une "bosse" (après 2 autres bosses que sont le Glandon et la Madeleine).
Les étapes sont belles, rythmées, spectaculaire. On ne s'embarrasse pas d'équipiers, on ne regarde pas fiévreusement son capteur de puissance, on é-cra-se.
La seule stratégie : l'attaque ! c'est le cyclisme dont on se régalait du côté de chez Stade 2. Héros contre héros.... c'était le cyclisme d'avant.
Mais avec le recul... c'était surtout totalement sur-réaliste et sur-naturel... A faire passer les attaques de Froome pour des sprints à la pancarte de cadet !
Mais venons en au fait... devant cette dépense énergétique hors norme, et ces stratégies... inexistantes, il était tentant d'essayer de rationaliser. Est ce que cette vitesse fantasque perçue à l'image étaient due à un phénomène optique, des tempos moins réguliers, des braquets différents, ou un vent de dos permanent....?
A l'occasion de la rediffusion de l'étape 2003 arrivant à l'Alpe d'Huez, l'occasion était parfaite de faire parler le chrono. Cette montée classique, immuable, a l'avantage d'offrir un départ et une arrivée parfaitement connus, et un segment Strava parfaitement calé dessus.
Nous voici donc "avant", en 2003. Avant Strava par exemple, en pleine période Armstrong... mais tout de même 5 ans après l'affaire Festina !
Magnéto Serge !
On aurait pu timer la rediffusion spécial confinement de l'Equipe 21, mais tant qu'à s'amuser, nous vous conseillons cette version re commentée de @uugoooo a postériori et sans filtre... irrésistible !
Le pied
Malheureusement, il manque l'image où le peloton arrive dans la première rampe de l'Alpe.
Néanmoins, entre l'instant d'avant, sur le plat, et l'instant d'après où l'US Postal est déjà en train de faire exploser de peloton (avec une violence rarement atteinte dans une pente à 10%), on peut situer cette entrée à 3'35" sur la vidéo, avec une précision inférieure à 5 secondes.
C'est important car, les 2 échappés du jour seront rapidement repris, et le vainqueur, Iban Mayo, sera donc issu du peloton, et des survivants du train d'enfer de l'US Postal. On ne sait d'ailleurs pas quelle est sa place initiale dans le peloton, ce qui pourrait lui causer un préjudice de quelques secondes de plus dans notre calcul.
Le sommet
Après une longue échappé solitaire, Iban Mayo lève les bras à 42'37" sur la bande vidéo, soir 39'02" pour le segment immuable de l'Alpe d'Huez
La vérif
C'est alors qu'un petit tour dans Strava s'impose, et comme le tour y est passé en 2018, le KOM officiel date aussi de ce dernier passage.
Il a été établi par un certain Romain Bardet en 41'23", soit 2 minutes et 20 secondes de plus qu'Iban Mayo en 2003.
Pour ceux qui ont déjà tenté leur chance sur ce segment mythique, rappelons que le peloton aborde "la bosse" après 5h30 de course (dont un Galibier)
Y a t il une morale à l'histoire ?
Iban Mayo fut rattrapé par la patrouille en 2007, ce qui mit fin à sa carrière. Comme bon nombre des protagonistes de l'époque, dont l'US Postal évidemment (Clin d'oeil particulier au repenti Tyler Hamilton, qui passe la ligne dans le temps de Bardet avec une double fracture de la clavicule)
Rien n'est ni blanc ou noir. C'est simplement un recul historique qui met en lumière le déroulement des courses actuelles.
On entend régulièrement des critiques sur l'ennuie des courses, les trop nombreux équipiers, les capteurs de puissances, les oreillettes qui rendraient le déroulement des courses ennuyeux.
La réalité, est que c'est simplement la nature humaine qui ne peut offrir ce spectacle d'autrefois. Les chances de victoire sont nettement plus minces, la stratégie plus fine, et les attaques chirurgicales.
Mais le spectacle n'est pas moins intéressant, il est d'une nature différente. Attendre son heure est une stratégie nettement plus humaine, réaliste et subtile...
La seule morale est qu'on constate que le cyclisme à réellement changé. En moins de 20 ans, nous sommes passés de la course de chevaux au jeu d'échec.
En chiffre : de 21,37km/h à 20,16km/h sur le segment le plus mythique de la planète !
Mise à Jour du 3 Mai : Marco Pantani en 36'40" ?
Un lecteur perspicace nous a transmis une vidéo de la montée de Pantani durant le Tour 1997.
Là encore, les images sont incomplètes, et Pantani est invisible dans le peloton. Il semble néanmoins que le peloton arrive totalement groupé à Bourg d'Oisans, sans aucun échappé. Le scénario est similaire avec une longue échappée solitaire et l'absence d'équipier dès les premiers lacets.
Si c'est bien le cas, la vitesse est encore plus impressionnante dans "l'ère Festina" que dans "l'ère US Postal".
Le peloton aborde la montée de l'Alpe a 1'19", Pantani franchit la ligne à 38'04", soit une montée en 36'45". Le temps réel si l'on tient compte de position initiale dans le peloton semble même inférieur, estimé à 36'40" - Vitesse 22,58 km/h, pratiquement 2,5KM/h plus vite que Romain Bardet en 2018