Business : les séquelles de la crise sanitaire sur l’économie du vélo

A l’heure de se souhaiter une excellente nouvelle année, le monde du vélo peut se satisfaire du développement de l’utilisation du deux-roues en cette période inédite de pandémie. Une satisfaction qui doit toutefois être pondérée puisque l’économie du vélo n’est pas sortie indemne de cette année 2020. On fait le point sur la situation qui aura des impacts non négligeables sur le marché du cycle français.
Publié le 07/01/2021 16:56 -

Le succès est parfois plus difficile à gérer que la crise. La pandémie de la COVID19 a rebattu les cartes du marché mondial du vélo d'une façon soudaine et inattendue : un vrai casse-tête

 

Commençal en faisait récemment la communication, l’année 2021 s’annonce prometteuse pour les amateurs de vélo, mais tout aussi problématique pour l’industrie. Effectivement, le vélo est un grand gagnant de la crise sanitaire avec une économie qui en a fortement bénéficié à la sortie du premier confinement en mai jusqu’au second fin octobre. Comme l’affirme Commençal : «La demande a explosé. Les gens ont pris conscience de l’intérêt de se déplacer à vélo, du plaisir que procure une sortie en VTT en pleine nature. Et c’est évidemment une très bonne nouvelle pour notre planète». Plus largement, c’est l’usage du vélo qui a connu une croissance remarquable avec par exemple une augmentation de 66 % du trafic cycliste sur Paris en 2020 par rapport à 2019.
Bonne nouvelle donc, mais - parce qu’il y a un gros, MAIS », paradoxalement ce succès exponentiel ne va pas sans poser quelques problèmes. Pour le coup, on ne veut pas parler ici seulement de l’augmentation du trafic de cyclistes inexpérimentés dans les grands centres urbains, mais de ce que ça implique pour l’industrie du vélo.

 

Tous les feux sont au vert pour le développement du vélo, mais l'industrie pourra-t-elle suivre le mouvement ?
 


Le revers de la médaille est que les consommateurs souhaitant s’équiper cette année devront être patients. En effet, si la demande est forte, l’offre est pour le moins complexe à assurer. Non seulement les livraisons des produits annoncés risquent d’être difficiles et retardées, mais il est également désormais acquis qu’une augmentation généralisée des prix sera incontournable dans de nombreux cas.

A cela plusieurs raisons, toutes liées à la crise. Le premier confinement en Chine, à Taïwan, en Asie en général, mais pas seulement, avait bloqué de nombreuses usines partout dans le monde avec à la clé d’énormes retards de production de matériaux, de pièces, de cadres et par conséquent de vélos complets. Bien évidemment, le redémarrage plein pot a induit des problèmes logistiques incommensurables qui ne sont pas près de se résoudre dans l’instant. Tout cela lié à l’explosion de la demande précédemment citée et on comprend aisément que la situation est critique. De 3 à 12 semaines pour la livraison de certains composants, les délais sont passés à plusieurs mois jusqu’à presque une année pour les pièces les plus en vue, si bien que les vélos commandés en ce début d’année pourraient bien n’être livrés qu’à la fin de l’année, voire l’année prochaine dans les pires cas !

Le fabricant andorran de vélos Commençal explique par exemple : «L'achat de la plupart des composants nécessaires à l'assemblage d'un vélo complet est devenu extrêmement difficile aujourd'hui. Selles, pneus, suspensions et transmissions. Les grandes marques de composants comme Shimano, Sram, Fox ou Schwalbe donnent des délais de livraison entre 9 et 18 mois, alors qu'elles peuvent normalement livrer dans un délai maximum de trois mois. Cela est dû aux difficultés d'approvisionnement de certaines matières premières ou aux usines mises à l’arrêt à cause du Covid". 

La photo de Commençal est explicite, les ports asiatiques sont saturés de bateaux en attente.

 

Beaucoup d’autres marques avouent rencontrer les mêmes difficultés, d’autant que la production des pièces n’est donc pas le seul point dur de la chaîne de production des vélos comme le souligne à nouveau Commençal dans son communiqué : "En parallèle de cela, les questions liées au transport. Les délais d’acheminement de marchandises d’Asie vers tous les autres continents ont explosé. Un exemple concret, lorsqu’il nous fallait environ trois semaines pour faire voyager un container de Taïwan vers Golden, dans le Colorado, il nous faut en ce moment entre deux et trois mois. Les ports sont saturés. Les bateaux peuvent rester plusieurs semaines à l’entrée des ports en attendant de pouvoir débarquer. Les prix de ces mêmes transports ont du coup fortement augmenté. Nous payons actuellement en moyenne quatre fois plus cher l’acheminement de ce container comparé à la même époque l’an dernier". 
Au trafic de fret maritime surchargé et fret aérien saturé, les marques doivent également ajouter une conjoncture financière mondiale désavantageuse. En effet, les taux de change seraient actuellement peu favorables aux marchés occidentaux, dont le marché français face au dollar taïwanais, notamment faisant flamber les prix de revient des vélos ces derniers mois.

Les taux de change ne sont pas à l'avantage des marchés occidentaux, ce qui ajouté aux problématiques logistiques est pénalisant pour les coûts de revient des vélos  

 


Conséquences pour les consommateurs

Comme l’indique Commençal dans son communiqué : "Nous avons été contraints de revoir le prix de certains de nos vélos dans un certain nombre de devises. Et nous nous excusons bien sûr auprès de ceux qui attendent leur vélo avec impatience, ou qui ne trouvent pas le vélo de leur rêve dans leur taille. Nous espérons un retour à la normale le plus rapidement possible. Mais nous pensons que cela ne sera pas avant la fin de l’année 2021 au minimum». Il faut comprendre - et certains l’ont d’ores et déjà constaté - que les prix ne seront pas à la baisse dans les prochains mois et qu’il faudra aussi apprendre à être patient pour disposer du modèle de vélo précis que l’on souhaite acquérir.

 

Du côté des marques et des magasins de cycle

Par ailleurs, il est aussi évident que la stratégie des marques et des détaillants ne va pas être simplifiée. Entre l’envie de servir une demande certes en forte croissance, mais à l’avenir incertain, l’incertitude des livraisons et les risques de surproduction et/ou de surstockage, les décisions stratégiques sont tout à la fois terriblement engageantes et risquées.

 

Des solutions sur le long terme

Il est évidemment encore trop tôt pour tirer des conclusions sur l’impact que la pandémie COVID19 aura réellement sur le marché du vélo sur le long terme. Il reste clair que pour le moment, les acteurs professionnels ont tiré bénéfice de la situation. Mais il apparaît clairement que la prise de vitesse de notre économie n’est pas sans conséquence sur son pilotage, ni sans risque pour ses différents intervenants. De quoi inciter à rester prudent et à garder les mains sur les freins.

Il est probable que des questions se posent actuellement sur la nécessité de revoir certains paramètres de cette économie mondiale. Tout le monde s’interroge notamment sur la notion de millésime qui a plus que jamais perdu de son sens stratégique et qui fait courir de gros risques à tous les acteurs du marché. Des questions se posent aussi sur l’opportunité et la pertinence de repenser les échanges industriels mondiaux avec notamment l’envie de relocaliser les productions pour des circuits plus courts. Nos différents entretiens avec des acteurs du marché ne permettent toutefois pas dans l’immédiat d’être catégoriques sur ce qui sera effectivement mis en chantier dans les mois et années à venir. Entre ce qui devrait être et ce qui sera réellement, de nombreux ballottements sont encore à prévoir…

Commençal met les pieds dans le plat et joue la carte de la transparence : on applaudit !


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