Préparation du Vélo, la pression monte :
Comme nous le disions dans le précédent article, il est indispensable de se munir d’un vélo fabriqué avant 1987, soit déjà plus âgé que votre serviteur… Trêve de plaisanterie, nous avons la chance d’avoir le choix entre différents modèles de vélo rétro, mais lequel choisir ? D'autant que ces vélos n’étaient pas aussi standardisés qu’aujourd’hui, les cotes varient grandement pour deux tailles similaires. Nous essayons, une fois posé sur la selle, on se rend compte que le 54 est trop petit, le 56 semble trop grand... Finalement, nous optons pour un Raleigh Chrome acier, de 1973 en taille 56. Il possède des roues de 700 en aluminium et des pneus Michelin. Les freins sont des Weinmann 500 anodisés, accompagnés d’une transmission Shimano 600. La selle Brooks surplombe une sacoche de la même marque. Pour cette première expérience en vélo vintage, nous tombons sous le charme de ce vélo pas ordinaire !
Nous réglons la potence, la hauteur de selle ainsi que l'inclinaison du cintre pour avoir un bon accès aux cocottes pendant le roulage à venir. Pour parer aux éventuels soucis mécaniques, la sacoche de selle est équipée de démonte-pneus, une chambre à air de rechange et d’un mouchoir pour ne pas se salir. Il faut savoir rouler avec style. On gonfle la bête à 6 bars, la pression maximale que les Michelin peuvent encaisser, histoire d'éviter le plus possible les crevaisons. Petit tour dans la ville de Valkenburg pour voir si le tout convient, la monture est prête… mais le cycliste ?
« Vintage style » pour l'occasion, de haut en bas nous sommes équipés d’une casquette Smith au look rétro, maillot et cuissard Brooks en laine, chaussettes blanches - évidemment ! - et chaussures Luck Vintage en cuir, à lacets. Une fois familiarisé avec les cale-pieds, il nous faut choisir la distance à parcourir sur les trois parcours proposés : 60 km, 100 km ou 160 km. La raison, le challenge ou la folie ? Nous optons pour le challenge, car nous ne savons pas vraiment comment le corps va réagir à la position sur le biclou.
L’équipe Brooks sur la ligne de départ, du km 0 à 36 - Pays-Bas :
L'ambiance de la zone de départ est unique. La musique, les voitures, les coureurs, nous sommes hors du temps. Que c’est bon ! Nous apercevons des tandems, des grands-bis, des jantes en bois, des monovitesses, des maillots Peugeot et d’autres tuniques colorées totalement uniques. Le temps d’une journée, nous ne sommes plus au 21ème siècle !
Les choses sérieuses vont débuter, il est temps de faire tamponner la fiche de route. Puis Bregan, notre capitaine de route, nous précise bien : "It's not a race, It's a ride !" Le message est passé et nous partons ensemble pour affronter les routes du Limburg, traverser les frontières belge, hollandaise et allemande.
Nous quittons rapidement Valkenburg et traversons à notre grande surprise « The Velvet cave », les caves souterraines du château, aussi appelées « Cauberg Cavern ». Après avoir vu les jeux de lumière et entendu la musique résonner dans la caverne, nous comprenons qu’elle nous amène au pied du Cauberg. Fameuse montée réputée pour être décisive sur l’Amstel Gold Race avec des pentes à 12 %. Un très bon moyen de se familiariser avec le 2x6 vitesses du Shimano 600...
La météo est clémente, le ciel est bleu et le soleil tape. On roule sur de la route, parfois fraichement goudronnée, parfois complètement défoncée et même du chemin de terre... Le vélo affronte les différentes surfaces de façon étonnante. Nous sommes surpris par le rendement de la machine.
Ricardo, un des cyclistes du groupe, nous a trouvé des ressemblances de style avec d'anciens champions, plutôt flatteur : Matthew était Tom Simpson, Bregan était Greg Lemond, pour ma part c'était Fausto Coppi. Ne reniant pas ses origines, il s’est rebaptisé Agostinho. Nous avons bien rigolé avec cela durant une bonne partie de la sortie. Les époques étaient complètement mélangées, mais cela donnait : "Attaque de Fausto, contre de Lemond…".
C'est dans cette bonne ambiance que nous franchissons les kilomètres, les chemins boueux et parfois sablonneux. Sur ce terrain-là, nous nous sentons à l’aise sur le Raleigh. Il suffit de conserver la vitesse pour ne pas glisser. Ricardo, ou Agostinho, a fait les frais d’une belle glissade sans gravité. Pas évident de retirer les chaussures des cale-pieds !
Ravitaillement n°1 au Castle Altembrouck, km 36 à 60 - Belgique et Pays-Bas :
Après 35 km, nous arrivons au premier ravito. Nous avions repéré sur la feuille de route qu’il s’agissait d’un château, le « Castle Altembrouck ». Nous n’avons pas été déçus, la bâtisse est splendide, nous profitons du cadre et des mets locaux que nous avons à disposition. Sans même nous en rendre compte, nous avons franchi la frontière, c’est la Belgique qui nous accueille pour ce premier ravitaillement. Après avoir dégusté une bonne soupe à la tomate et un sandwich, sous l’oeil amusé de l’accordéoniste, nous repartons dans notre épopée.
D’un coup, la météo se déchaîne, le groupe se scinde et nous nous retrouvons à 3, affrontant le déluge. Bregan, Matthew et votre serviteur. Une belle partie de manivelles dans l'espoir de quitter au plus vite le nuage qui nous arrose intensément. Il pleut des chats et des chiens comme disent les anglais qui nous accompagnent ! Les kilomètres défilent, le soleil revient et sèche la tenue en laine pour notre plus grand plaisir. Notre petit groupe double de nombreux cyclistes partis avant nous. On discute, on entend toutes les langues et entrons en discussion avec des Belges, des Anglais, des Italiens, ayant fait le déplacement pour l’épreuve. Quelques anciennes stars du peloton professionel étaient également de la partie, comme Erik Zabel qui a encore de bonnes jambes !
À notre grand plaisir, nous constatons que les organisateurs se sont véritablement amusés à tracer les montées. En effet, au pied de nombreuses côtes goudronnées, nous voyons le balisage partir dans la nature via de beaux chemins terreux ou caillouteux en sous-bois, pour ensuite rejoindre le sommet de la bosse à la jonction avec la route. Nous nous demandons encore comment les chambres à air ont pu tenir sans pincer durant toute la sortie. Mis à part Mertijn, le Néerlandais du groupe, qui a fait une belle hernie sur son pneu arrière, aucun souci mécanique n’a stoppé notre progression. Après avoir parcouru de belles routes et emmagasiné du dénivelé, nous taillons la route vers le deuxième ravitaillement au kilomètre 60.
Ravitaillement n°2 au Camerig, km 60 à 100 - Pays-Bas et Allemagne :
Nous reprenons des forces lorsque l’autre moitié du groupe nous rejoint. Nous dégustons ensemble des biscuits secs locaux et prenons de la Brand, bière partenaire de l’événement. Malgré la présence de Redbull et de ses boissons énergisantes inconnues des cyclistes anciens, le style rétro est toujours bien présent notamment grâce à la présence du Tube de chez Citroën.
Après quelques minutes de pause, nous repartons tous ensemble avant d’aborder une côte à plus de 14% qui finit par nous séparer à nouveau. Bregan et votre serviteur se sont retrouvés en tête avec de bonnes jambes malgré les pourcentages. Cette province du plat pays ne l’est pas vraiment. Les côtes sont courtes, mais raides. Le sprint final est difficile, mais une fois en haut, la satisfaction est grande. C’est aussi ce type de souffrance et de sensations que nous sommes venus chercher sur l’Eroica, avec en tête les images d’Anquetil et Poulidor !
Une fois la jonction faite avec le groupe, nous calmons le jeu et finissions ensemble les derniers 20 kilomètres. Quelques arrêts sont nécessaires puisque Bregan a crevé au km 81 puis de nouveau au km 95. Les descentes dans les chemins ont eu raison de ses chambres à air.
À quelques kilomètres de la fin, nous traversons la brasserie Brand, une idée originale de la part des organisateurs qui donne extrêmement envie à notre capitaine de route de boire une bière : « It's a tradition for us to drink a beer before the end ! » « Ok no problem ! »
Nous trouvons un peu plus loin un endroit sympathique pour la déguster, mais avec l'effort et la fatigue, une seule bière suffit aux membres de l'équipe ! Nous repartons en longeant de superbes bâtiments anciens et des châteaux avant de retrouver Valkenburg pour franchir la ligne d’arrivée.
Arrivée à Valkenburg, km 100 et l’après course - Pays-Bas :
Nous franchissons la ligne d’arrivée tous ensemble, deux demoiselles nous remettent les médailles de Finisher. Un sentiment d’accomplissement nous envahit, une sorte de fierté d’avoir réussi ce clin d’oeil destiné à nos ainés. Nous nous congratulons, posons pour les photos et puis allons de nouveau boire un verre pour fêter dignement cette réussite. Il nous aura fallu 5h30 pour parcourir la distance, une moyenne plus faible qu'à l'habitude mais nous avons profité tout le long ! Le concert bat son plein, les reprises d'Elvis Presley, de Wanda Jackson et d'autres artistes de Rock ’n' Roll s’enchainent, nous sommes hors du temps, dépaysement garanti !
Avant de quitter l’endroit, nous faisons un dernier tour du salon pour profiter des stands et du festival. Une sorte de brocante du vélo, dans laquelle on peut trouver de tout. Cela peut aller de vieilles pièces à des maillots uniques dans leur jus en passant par des biclous neufs au style rétro à 6 000 euros. Il y en a pour tous les besoins et tous les goûts.
Nous constatons après coup que cette expérience est véritablement unique et que nous participerons très certainement à une nouvelle manche de l’Eroica, mais allez donc savoir dans quel pays ! À présent, il est l’heure de faire les chromes du vélo.