Dès lors que nous avions coché sur notre calendrier 2020 le fameux Ventouxman, nous n’imaginions pas qu’il puisse se parer d’un tel scénario. Nous le savions difficile et avions orienté la préparation en ce sens, surtout pour la partie vélo incluant la célèbre montée du Géant de Provence côté Bédoin.
Nous arrivons en forme sur place et retirons notre dossard. Nous attaquons directement la préparation des sacs, collons les stickers avec le numéro de dossard sur le casque et les sacs de transitions, déposons le vélos dans le parc, tout va bien. Une première averse commence à s’imposer et nous oblige à nous mettre à l’abri. À force de discuter avec les uns et les autres, beaucoup commencent à s’inquiéter de la météo prévue pour le lendemain, jour de course. Et même en positivant au maximum, nous sentons nous aussi la pression monter.
Nous découvrons le lac de Lapalud, sa base de loisir, les bouées disposées à la surface de l'eau et repérons l’île que nous allons devoir contourner pendant l'épreuve de natation. Cette première partie de course devrait bien se passer, d'autant que nous apprécions lorsqu'il est prévu une sortie d'eau à l’australienne. Veille de course, nous touchons l'eau, elle n’est pas froide, parfait. Les photos du parcours vélo donnent envie d’en découdre, de nombreux passages permettent d’admirer le Mont Ventoux, ça va être un grand moment. Puis la course à pied est composée de 4 tours de 5km, en mode trail, à la station du Mont Serein, sur le papier, la journée du lendemain s'annonce magnifique ! D’autant que le plateau élite est au rendez-vous avec de multiples vainqueurs d’Ironman, des top 10 aux mondiaux à Hawaï dont Romain Guillaume, Diego Van Looy, Thomas Huwiler, ... Le spectacle sera au rendez-vous !
Cette nuit de veille de course s’est très bien passée, nous parvenons à nous réveiller quelques minutes avant le réveil, timing parfait. Enchaînons la douche et le petit déjeuner avant de prendre la voiture direction la base de Loisir de Lapalud, ligne de départ de ce Ventouxman. Une fois sur place, nous apprenons que le vent a soufflé fort pendant la nuit et qu’il a beaucoup plu. L’eau du lac s’est bien refroidie et un orage menaçant approche. Pendant ce temps, les 800 participants s’équipent de leur masque et de leur combinaison néoprène, attendant patiemment le départ à 7h30.
L’heure approche et les annonces tombent, tout comme la pluie battante. L’orage menaçant oblige les organisateurs à annuler la natation, à modifier le parcours vélo et à raccourcir la partie course à pied. Nous enlevons alors la combinaison, et enfilons le casque et les chaussures de vélo, déjà détrempés. C’est sur le vélo, par vague de 50 personnes que nous attaquons ce triathlon ! Les organisateurs proposent à ceux qui ne le sentent pas de ne pas prendre le départ. 180 participants suivront cette option, tellement la pluie tombait. Drôle de scénario pour ce Ventouxman 2020…
Même si la natation est clairement notre point faible, nous n’étions pas réjouis de sa suppression, un sentiment étrange nous envahissait. Ce que nous savions en revanche, c’est que nous voulions faire bonne impression sur la partie vélo. Les 45 premiers kilomètres sont plats, il convenait de garder des forces pour le Ventoux mais d’avoir une moyenne correcte. Nous aurons 38,1km/h de moyenne sur cette portion.
Les jambes répondent, tournent bien et la pluie nous a épargné la première heure. Une fois passé Baumes de Venise, les choses se corsent. La pluie a redoublé d’intensité et nous attaquerons la montée du Ventoux totalement détrempés. À cause de l’orage, les organisateurs n’ont pas souhaité prendre le risque de nous faire monter au sommet par Bédoin, par conséquent, nous attaquons l’ascension directement par Malaucène, afin de rejoindre le Mont Serein. Cette option nous plaisait que moyennement au départ, mais au final nous en étions parfaitement satisfaits. L’orage grondait fort, et surtout nos patins de frein n’avaient plus aucune action sur les jantes carbones. Freiner était illusoire, la vitesse diminuait à peine, et la petite descente sinueuse du col de Champ Paga devenait un calvaire. Nous avions hâte d’être dans l’ascension du Géant de Provence pour ne plus avoir besoin de freiner…
Nos supporters sont au pied de la montée, compte tenu des conditions ce fut un pur bonheur de les apercevoir et d'entendre leurs encouragements. L’émotion nous envahi et rallume une petite flamme intérieure qui réchauffe ! Nous passons le panneau Malaucène, tournons à gauche, c’est parti pour 17km de montée, jusqu’au Mont Serein.
Nous n’avions jamais reconnu ce côté puisque lors de nos précédentes reconnaissances, nous montions côté Bédoin, comme prévu initialement. La surprise fut de taille puisque les premiers kilomètres nous annoncent la couleur, 8% de pente moyenne. Nous parvenons tout de même à amener le plateau en 36. Une fois ces 3 kilomètres passés, la pente se radoucie et pouvons de nouveau appuyer. Le froid commence à s’installer, notre souffle se transforme en fumée, la pluie devient déluge, l’orage gronde vraiment à proximité. Intérieurement, nous remercions les organisateurs de ne pas nous avoir fait passer par le sommet.
La pente s’élève à nouveau, les quelques passages à 13 % font mal, la cadence de pédalage diminue significativement, on est collé à la route et les vaguelettes d'eau ruisselante sur la route ne nous aident pas. Ça devient dur mais on s’accroche, il ne reste plus beaucoup, seulement 2 kilomètres avant de poser le vélo. Heureusement la pente faiblit ensuite jusqu’au parc à vélo. Nous l’apercevons, enfin ! Après 3 heures de vélo dans des conditions dantesques, nous le posons. La difficulté prochaine sera d’enfiler les chaussures de trail. Les lacets sont difficiles à boucler à cause des mains gelées, il nous faudra plus d’une minute pour faire un double nœud… Nous enfilons un coupe vent pour essayer de conserver le peu de chaleur que nous dégageons et filons sur le run.
Ne connaissant pas le parcours trail, nous bouclons notre premier tour de 5km avec prudence. La première descente bitumée fait mal aux quadriceps, mais la remontée sinueuse sur un beau chemin recouvert de pierres, d’épines de sapins et de racines donne envie de s’employer, en esquivant la boue et les flaques. Finalement ce sont bien 3 tours au lieu des 4 prévus initialement qu'il faudra boucler, compte tenu des conditions climatiques. Nous parvenons à nous alimenter correctement et entamons le deuxième tour.
Nous sentons que ça va de mieux en mieux et le parcours nous rassure, nous avions peur qu’il soit plus compliqué. La pluie s’arrête, mais avons du mal à nous réchauffer, en fin de deuxième tour, nous sentons les cuisses se durcir et le début du dernier tour se complique. Les crampes surviennent, nous obligeant à marcher. Il convient alors d'alterner entre marcher, boire, trottiner, boire, marcher, trottiner. Finalement nous pourrons reprendre un rythme nous permettant d'avancer.
Le temps passe et les kilomètres aussi, avant d'arriver sur cette dernière ligne droite, c'est le moment d’en profiter. Alors que les cuisses galèrent, la tête est ailleurs. On arrive au bout de cette course, transformée en challenge, en défi. Heureux et fier d’en découdre, comme les 520 autres finishers, sur les 800 que nous étions le matin même dans le sas de départ. La performance ? Finir en est déjà une, et au niveau du chrono, content d’avoir bouclé le 67eme temps vélo (76km en 3h04), et déçu d’avoir crampé sur la partie trail (15km en 1h27). Nous nous classons donc 106eme scratch en 4h37, alors que Thomas Huwiler, s’impose en 3h29, très belle performance. Cette course prouve qu’on est capable d’affronter toute une multitude d’aléas, et ça, ça permet d’envisager de nombreux autres défis !
Quelques conseils pour améliorer sa performance sur le Ventouxman :
Concernant la partie vélo, nous avons longtemps hésité entre le vélo de route et le vélo de contre la montre. Nous avons choisi ce dernier car il permet de gagner beaucoup de temps sur la portion roulante avant l’ascension et nous ne regrettons pas ce choix. Notre conseil serait tout de même d’opter pour un plateau de 34 dents afin d’affronter avec une meilleure cadence les passages à plus de 11 % du Géant.
Pour la course à pied, il est indispensable d’avoir des chaussures de trail, stables et dynamiques car les chemins de pierres du Mont Serein sont techniques.
Au niveau de l’alimentation, nous conseillons de consommer toutes les heures une barre ou un gel par alternance, et même s'il pleut, de parvenir à s'hydrater, sinon ce sont les crampes qui nous rattrapent !