La météo n'est pas à la hauteur de la saison mais c'est quand même le départ…
"Partir c’est mourir un peu » affirmait le poète Edmond Haraucourt dans son poème « Rondel de l’adieu » à la fin du XIXe siècle. On a tous entendu ce vers sans avoir besoin de connaître le nom et l’œuvre de l’auteur, à commencer par votre serviteur. A l’évidence, les vélos de l’époque ne se prêtaient pas encore vraiment au voyage. De nos jours, on s’oppose volontiers à la citation. Partir à vélo, c’est vivre au contraire. Car voyager à vélo ce n’est pas seulement rallier un point A à un point B en faisant abstraction de l’intervalle. Non. Quand on part à vélo, qu’il soit tout-terrain, purement routier ou polyvalent, le voyage est au moins sinon plus important que la destination elle-même. C’est le concept. Enfourcher son vélo, c’est avant tout se destiner au plaisir de rouler, aux sensations de vitesse, à la caresse du vent, à la perception pure des environnements, à la liberté. Le chaud, le froid, les doux parfums, les mauvaises odeurs, le chant des oiseaux et des feuilles dans le vent, l’orage qui gronde, la fuite d’un chevreuil, l’envol d’une perdrix, toutes ces touches composent le tableau impressionniste de ces moments de vie et donnent du sens au temps. Le vélo offre tout cela. En voiture, en train et même à moto, la vitesse est essentielle. On peut aimer l'objet, mais on fait souvent abstraction du décor au profit d’un objectif de compression du temps. On se téléporte.
Bien entendu, on peut être passionné de vélo, amoureux de la petite reine sans ressentir le besoin du voyage. On peut légitimement privilégier la vitesse, les sensations de glisse, l’ivresse du pilotage, la stratégie et le goût de la sueur. Loin de moi l’envie de tourner le dos à ces plaisirs, j'aime aussi "l’arsouille" et la performance. Mais il y a un temps pour tout : celui de la compétition et celui de la contemplation. Et là, c’était celui de la contemplation. Des millions d'aventuriers à vélo font ça régulièrement, qu'ils soient cyclotouristes ou adeptes d'Ultra. Pour moi, c'était la première fois, et c'est son plus grand intérêt, celui d'une découverte, d'une expérience… Et c'est pour ça que je vous le raconte.
C’était l’été dernier, j'ai entendu l’appel des sirènes de la liberté et ressenti l’envie de m’échapper du quotidien avec mon vélo. Il s’agissait de rejoindre la Vendée, l’ile de Noirmoutier, depuis l’Ouest parisien, par défi, par volonté de se frotter à une autre façon de pratiquer le vélo. Partir seul et n’avoir pas d’autres contraintes que de gérer ses forces et son propre matériel, vivre le parcours autrement, prendre son temps, profiter intensément de chaque kilomètre, de la nature autour, faire un « reset » avant de reprendre le cours de la vie, voilà les prétextes.
Mais un voyage, un trip à étape suppose certains préparatifs. On ne part pas pour plus de 500 km de pédalage sans assistance comme on part pour une demi-journée de vélo. C’est surtout du côté des équipements, du vélo aux bagages en passant par les « à-côtés » que des questions se posent. Quelle monture ? Quels pneumatiques ? Quelle de bagagerie ? Quel type de navigation ? Quel outil pour préparer son parcours ? Quoi prendre avec soi ? Autant de réponses que chacun doit trouver en fonction de son budget, de ses affinités.
Le Charge Plug Ti avec son porte-bagages Tubus Airy titane, ses roues American Classic Race et ses pneus Maxxis ReFuse.
Ossature britannique
C’est un destrier aux charmes indémodables, un lord anglais, qui a servi de base de travail : un Charge Plug 5 Ti. Pour être franc, je l’avais avant, il n’a pas été choisi spécifiquement pour cette occasion. Mais avouez néanmoins que le voyage lui va bien. Surtout qu’il dispose des fixations ad hoc pour monter l’indispensable porte-bagage. Mais dire que c’est la seule raison de ce choix serait mentir. On ne se refait pas, le titane avait été choisi pour sa beauté brute, sa relative légèreté, sa robustesse, son confort… bref toutes ces qualités qui sont généralement mises en avant quand on parle de titane. J’ajouterais qu’il est plaisant de se dire que son vélo gardera longtemps l’aspect du neuf sans accrocs de peinture ni impacts, contrairement à son cycliste. De fabrication industrielle, mais plutôt haut de gamme de série, Sir Plug est pourvu de la transmission SRAM Rival 1 monoplateau 42 dents avec une cassette 10 vitesses 11/36 : simplicité et efficacité. Sportivité aussi. Je l'ai doté de roues American Classic Race 29" - appellation qui trahit leur origine VTT - assurant légèreté et fiabilité. Leur conception à rayons classiques permet d’envisager une réparation aisée si besoin. Elles ont été montées avec des pneumatiques Maxxis Re-Fuse 700x40, résistants et dont la section garantit un appréciable confort sur tous les types de revêtements. Le cintre Ritchey Venture Max WCS habillé d'une épaisse guidoline de même marque (remplacée par de la Fabric Silicon depuis) a optimisé le poste de pilotage. Quand on va passer de longues heures, sur le vélo autant soigner ses appuis. Et justement, j'ai opté pour une confortable selle Fabric Scoop Flat Race Ti pour accueillir mon séant douillet. Sa ligne fluette est trompeuse, c'est le genre de selle que l'on ferait volontiers passer d'un vélo à l'autre tellement on se sent bien dessus.
Les sacoches Vaude ne travestissent pas trop les lignes du cadre : on a sa coquetterie…
Chargement
Après avoir consulté divers témoignages, avoir échangé avec d’autres cyclistes et m’être renseigné par ailleurs, il apparaissait que la meilleure solution de bike packing consiste à charger le vélo dans l’axe du cadre au niveau du triangle arrière avec une sacoche centrale et une autre derrière la selle. Pour ce qui est des sacoches latérales, il est conseillé de les utiliser à l’avant avec le porte-bagage ad hoc, de part et d’autre de la fourche. C’est ce qui procurerait la meilleure stabilité au vélo et perturberait le moins les sensations de pilotage. Mais ce n’est pas ce que j'ai choisi de faire. Pas par pur esprit de contradiction, par goût. Je trouve que les sacoches à l’avant ce n’est pas beau et que les sacoches dans le triangle du cadre ça fait bricolo. Un peu comme si le voyage et le transport n’étaient pas au menu initial du vélo. Comme si le lord anglais se mettait à la pelote basque plutôt qu’au cricket. Bref, je me suis donné deux priorités : préserver la ligne « classique » de mon vélo et contenir l’ajout de grammes superflus. Quand on prépare un voyage en backpacking, il est indispensable de maîtriser le poids de chaque équipement pour ne pas se retrouver au final avec un équipage qui dépasse allègrement les 30 kg. J’ai opté pour un porte-bagage arrière, un beau, un Tubus Airy en titane. Minimaliste, léger, solide. Côté sacoches, je me suis tourné naturellement vers un spécialiste : Ortlieb, une marque allemande qui a fait toute sa réputation sur sa bagagerie étanche. J’ai sélectionné les Back Roller-City : peu chères, simples, plutôt légères, mais pratiques et robustes avec une contenance suffisante de 20 litres chacune. J’ai complété à l’avant par une petite sacoche de guidon Hapo-G. Annoncée comme étanche, elle s’est avérée tout juste imperméable pour une petite pluie fine, mais finit par prendre l’eau sous les grosses averses. A moins de 10€, bien fait pour moi !
Le smartphone dans sa coque support est une solution légère puisque l'on utilise un outil que l'on a de toute façon avec soi, mais ça suppose néanmoins d'emporter des Power Bank pour assurer l'autonomie.
Orientation
Partir sur de longs parcours suppose de se diriger précisément. Plusieurs options sont possibles. J’ai de suite mis de côté le traditionnel combo carte-boussole à l’ancienne, trop chronophage. J’ai ensuite hésité entre le GPS et le smartphone. Et j’ai finalement opté pour le téléphone grâce à une application géniale : GeoVélo, simple d’utilisation et facilement paramétrable sur le terrain pour s’adapter au fur et à mesure de la progression à d’éventuelles nouvelles données. Pour cela il a fallu résoudre deux problématiques : fixer et protéger le smartphone de façon visible et disposer de l’autonomie nécessaire. Pour la première, il existe des quantités industrielles de supports de smartphone en tous genres plus ou moins pratiques, plus ou moins étanches et protecteurs. J’ai choisi un modèle BikeConsole de TecnoGlobe : parfaitement étanche, robuste et plutôt pratique avec son écran tactile et ses connectiques protégées. Pour ce qui est de l’autonomie, j’ai pris deux batteries complémentaires PowerBank de 4000mAh chacune que j’ai positionnées dans la sacoche de guidon. Comme, je disposais également d’un prototype de lampe Knog PWR trail en test, je disposais d’une réserve supplémentaire de 5000mAh, largement de quoi boucler une grosse journée de plus de 10 heures de vélo…
Les sacoches attendent leur chargement. Il faut veiller à équilibrer les masses de chaque côté en faisant attention de ne pas enfouir tout au fond ce dont on pourrait avoir besoin.
Les "à côté"
N’en déplaise à tous ceux qui angoissent lorsqu’il faut s’y coller, préparer sa valise pour un voyage en voiture ou en avion est une partie de plaisir. Préparer ses bagages pour voyager à vélo est plus complexe. Le volume et le poids sont deux paramètres cruciaux avec lesquels il faut composer. Pour ce voyage assez court, en période estivale en terres peu hostiles, je suis allé à l’essentiel. La Beauce, le Perche, les Pays de la Loire, ce n’est pas « Man versus Wild ». Il en aurait été tout autrement s’il s’était agi de partir dans des contrées plus reculées et sauvages, où le climat et la nature peuvent se montrer rudes, voire inhospitaliers. J’ai donc pris le minimum nécessaire en m’attachant à (presque) toujours sélectionner ce que j’avais de plus léger. Malgré cette attention, le vélo qui affiche 10,020 kg avec porte-bagage Tubus Ti, 2 porte-bidons et le support de pompe dépasse légèrement les 21 kg au moment du départ !
Etape 2 : Bazouges sur le Loir est une invitation à revenir pour visiter…
Une si belle expérience
Pour en revenir au trip proprement dit, il s’est découpé en 3 étapes en 3 jours. La première m’a permis de rejoindre Fatines, petit village à proximité du Mans dans la Sarthe en passant par l’Ouest parisien, les alentours de Houdan et puis, passé Dreux, la Beauce puis le Perche. 216 km au total. Le début du parcours est périurbain, mais sans gène et plutôt varié et agréable jusqu’à Houdan. Bravo GéoVélo… La suite est plus monotone, surtout après Dreux lorsque les routes et les pistes se font plus linéaires, les vastes paysages agricoles plus monotones. Si la ligne droite est incontestablement la trajectoire la plus courte géométriquement, elle est aussi la plus longue psychologiquement. La Beauce est un chemin de croix pour le cycliste seul face à Éole. Heureusement, le Perche est ensuite plus vert, plus boisé, plus courbe aussi. Ça tourne un peu plus, c’est plus vallonné, le vélo reprend vie.
Behuard, un petit village à proximité de Savennières. Situé sur une ile de la Loire, il a été de nombreuses fois inondé mais il est parfaitement entretenu et mérite le détour.
La seconde étape est plus courte pour rejoindre Savennières au sud-ouest d’Angers. 125 km seulement. Et le temps passe sensiblement plus vite de toute façon, le tracé étant nettement plus ludique sur cette seconde partie notamment après Angers, en bord de Loire. Et puisque l’on est très tôt sur place, autant profiter pour faire un peu de tourisme. Il y a Savennières et ses caves, et il y a aussi Behuard juste à côté, un petit bourg qui vaut le détour. Magnifique !
Etape 3 : Sur un pont aux abords de Montjean sur Loire où l'on peut voir les magnifiques vestiges d'une mine de charbon du XIXe.
La dernière étape est variée sur 170 km, il y a du bon et du beau en bord de Loire. On retient notamment Montjean Sur Loire et son ancestrale mine de charbon dite « de la Tranchée » (XIXe). Il y a aussi du plus casse-pied pour passer Nantes par exemple en dépit de tous les efforts de GéoVélo qui choisit avec scrupule les routes à suivre. Après Nantes, les premiers tours de roues en Vendée, au pays du Muscadet, sont assez sympathiques, surtout quand la météo est clémente. Le final en revanche l’est un peu moins. Passé Bourgneuf, le parcours devient linéaire, plat, totalement lisse. Les éoliennes de Beauvoir à l’horizon annoncent déjà l’arrivée. Mais elles sont de sacrées allumeuses. Aguicheuses, elles ne se laissent jamais approcher vraiment. Surtout quand elles soufflent vent contraire les garces. Et quand enfin, on réussit à les atteindre, on préfère les laisser à leurs vaines gesticulations et leurs fausses promesses pour conquérir une autre belle, l’ile de Noirmoutier par le Gois. La fine route submersible sous les embruns, achève de me malmener. Les larges pavés disjoints mettent ma tonicité émoussée à l’épreuve. Chaque chaos disloque mon squelette qui s’écroule dans ma peau comme un jeu d’osselet dans un sac. Alors l’arrivée sur l’ile et ses agréables pistes cyclables est une véritable délivrance. Ces trois jours m’ont demandé beaucoup, mais m’ont donné largement en retour. C’est ce qu’il y a de beau avec le voyage à vélo : on profite totalement de ce qu’il y a autour, mais aussi intégralement de ce que l’on a à l’intérieur. Pour une première, j’ai vécu l'expérience comme une sorte de voyage initiatique. Une aventure qui en appelle d’autres.
Arrivé sur l'ile de Noirmoutier, le Charge Plug fait une petite pause le temps de la photo sur une digue sur laquelle chemine la piste cyclable.
Si c’était à refaire
Je le referais. D’ailleurs, je vais le refaire, c’est sûr. Mais à l’appui de cette première expérience, il y a des constats à faire. Il y a probablement moyen de faire plus léger en terme de solution antivol. Plus lourd, c'est toujours possible, mais ce n'est pas malin. Il faudra également trouver une sacoche avant tout aussi pratique et accessible, mais vraiment étanche cette fois (ça coûtera probablement un peu plus cher que les 10 euros dépensés pour celle-ci). Pour le reste tout s’est révélé parfaitement fonctionnel. J’ajouterai probablement des garde-boue. J'ai déjà choisi ce sera des Berthoud Inox… Certes, ça ne va pas alléger la ligne du vélo, mais il est évident qu’en cas de grosse pluie, il sera quand même préférable d’éviter les énormes remontées d’eau occasionnées par les pneus Maxxis.
A titre indiactif, voilà le contenu de mes sacoches. Chacun adaptera en fonction de ses envies et habitudes. En fonction de la saison et de la durée du voyage. Il manque seulement les nombreuses barres énergétiques à base de céréales, sucrées et salées avec lesquelles je me suis restauré toutes les heures durant mon périple.
- Sacoche avant Hapo-G : 193 gr
- Sacoches arrière Ortlieb Back-Roller City : 790 gr x2
- Carte Michelin : 58 gr
- Duvet : 600 gr
- Lampe frontale : 76 gr
- Eclairage avant-PowerBank Knogg PWR : 235 gr (avec support de cintre)
- PowerBank : Essentiel B : 98 gr, Roc d’Azur : 94 gr + câble d’alimentation 19 gr
- Eclairage arrière Lezyne : 53 gr
- PQ : 62 gr
- Trousse de toilette (brosse à dent, dentifrice, crème solaire, gel douche et shampooing : 143 gr
- Serviette de toilette : 101 gr
- Couteau suisse : 60 gr
- Gourde de filtration Katadyn BeFree : 82 gr
- Nécessaire de secours
Couverture de survie : 63 gr
Trousse Mio CycloSeries (pansements etc) : 60 gr
- Support protection iPhone TechnoGlobe : 225 gr
- Système Sherif : 7 gr
- Nécessaire de réparation
Outil Syncros : 121 gr
Chambre à air : 150 gr x2
Nécessaire crevaison Hutchinson : 28 gr
Démonte-pneus Maxxis : 35 gr
Lubrifiant Squirt : 22 gr
Vis cales : 10 gr
Pompe Syncros HV 1.5 (sans support sous porte-bidon) : 111 gr
Mini multi-outils Specialized (intégré au porte bidon) : 60 gr
- Parcours imprimé : 148 gr
- Lunettes de soleil : 45 gr
- Bermuda Scott : 110 gr
- Appareil photo + trépied : 147 + 72 gr
- Coupe vent impérméable Dmtex : 102 gr
- Maillot vélo : 156 gr x2
- Cuissard : 186 gr x2
- Gants : 51 gr
- Chaussettes : 42 gr x2
- Manchettes : 73 gr
- Gilet Rapha : 132 gr
- Sous-vêtements techniques : Gore Bike Wear : 66 gr + Loffler : 54 gr
- Sweet technique : 183 gr
- Antivol OnGuard : 1145 gr
- Bidons : 87 gr x2 (vides)
- Pantalon technique light, Jules : 312 gr
- Tee-Shirt Vélo Vert Festival : 176 gr