Crédits photos : Vélo Nicolas Joly // Actions Pauline Ballet // Studio Specialized
Attendu pour le Tour, retardé par le Covid, puis reprogrammé, le Tarmac SL7 est enfin là ! En réalité, cela fait plusieurs mois que les coureurs de la marque roulent avec et s'y habituent. Leur mission est commune : gagner des courses ! Que ce soit au sprint ou en montagne, avec Sagan ou Alaphilippe, ce Tarmac SL7 devrait truster les podiums. En attendant, c'est nous qui avons découvert la bête, en avant-première, sur quelques-unes des plus belles routes de France.
Le programme chargé du SL7....
Avec ce nouveau Tarmac SL7, Specialized a une ambition à la fois différente et surtout plus large qu'avec son prédécesseur. Bien sûr, le nom Tarmac désigne toujours le vélo de course par excellence, mais justement, afin de rester le choix unique et évident des coursiers, Specialized l'a voulu plus polyvalent, c'est-à-dire surtout plus aérodynamique.
Nombre de coureurs, que ce soit Peter Sagan, ou bien d'autres utilisent prioritairement le Venge, et accessoirement le Tarmac. Le but était donc de leur fournir une seule plateforme, aussi aéro que le Venge, mais également aussi explosive, pas plus lourde que le Tarmac SL6, et pas moins confortable non plus. Autant dire une mission complexe...
Pour ce faire, Specialized est donc parti d'un Tarmac, avec deux pistes de travail majeures : le cadre et les roues. Cela parait évident, mais dans le détail, les pistes d'évolutions s'avèrent serrées, surtout en partant du vélo probablement le plus abouti de sa génération.
Tout d'abord retravailler l'aérodynamisme du cadre, tube par tube mais sans prise de poids. Une démarche rendue possible par de puissants outils numériques qui permettent de créer des formes de tubes virtuelles, et de les tester en soufflerie numérique. Il est ainsi "aisé" de faire évoluer un cadre, tube par tube, sans même créer de prototype physique.
"Aisé" entre guillemets, car on imagine tout de même que le processus ne se fait pas en trois minutes sur une appli... mais c'est toujours un temps considérable de gagné par rapport au test de vrais prototypes en vraie soufflerie, et surtout la possibilité d'aller nettement plus loin...
Concernant les roues, la problématique est encore plus épineuse puisqu'il s'agit d'augmenter l'aérodynamisme et de réduire le poids : améliorer l'aéro pour compenser la différence avec le cadre du Venge, et réduire le poids pour ne pas perdre le caractère dynamique légendaire du Tarmac SL6.
En pratique, le travail réalisé sur les roues, les ROVAL Rapide CLX est même plus impressionnant, ou en tout cas plus visible que le traitement appliqué au cadre, avec des hauteurs de 60 mm à l'arrière et 51 mm à l'avant, et un poids inférieur à 1400 grammes la paire. Des specs exceptionnelles rendues possible par le freinage à disques et l'abandon du Tubeless... nous y reviendrons plus loin.
Pour couronner le tout, le Tarmac suit la tendance et se pare d'un cockpit aéro intégré, mais non monobloc, et compatible avec cintre et potence standard
Pour couronner le tout, le Tarmac suit la tendance de tous les modèles phares et se dote d'un cockpit aéro intégré, mais non monobloc. Le gain est surtout d'ordre aéro, avec aucune gaine apparente. Dans une logique d'ergonomie, Specialized a conservé des diamètres de pivot et de cintre standards, ce qui permet de changer facilement de cintre ou de potence. Par ailleurs, la potence du Tarmac est disponible en deux angulations -6° et -12° (et toutes les longueurs usuelles), ce qui devrait satisfaire tous les besoins.
Souci du détail : le cintre est préformé pour un guidolinage partiel, et pourvu de picots pour améliorer le grip de la partie supérieure.
Les autres changements notables, mais qui ne sautent pas forcément aux yeux :
- une tige de selle "semi-aéro" probable compromis entre aéro et confort, immobilisée par un serrage interne
- un freinage exclusivement disques
- le retour à un boîtier BSA fileté de 68 mm !... semble-t-il à la demande des mécanos des équipes pros pour faciliter les opérations de maintenance
- l'abandon des pédaliers "maison" au profit d'une monte de groupes 100 % Shimano ou 100 % Sram
- sur les S-Works, le capteur de puissance est de série (sur version Dura Ace, le capteur de puissance Specialized est greffé au pédalier, tandis qu'en Sram, le capteur Quarq est présent d'origine)
- toujours pour les versions Shimano Di2, le plug de cintre a été déplacé en haut de la tige de selle. Il est ainsi moins exposé aux griffures, et plus accessible aux mécanos pour un dépannage en vol
- un passage de roues dimensionné pour des pneus en 32 mm, et là encore un gain de polyvalence qui va largement empiéter sur les catégories "endurance" de la génération en activité
Enfin, il y a aussi une chose qui ne change pas, c'est la géométrie, et c'est heureux tant elle fait l'unanimité depuis longtemps.
Retour vers le passé : un boitier BSA 68 mm à visser pour en finir définitivement avec les aléas des roulements pressés.
Balance
Specialized annonce que ce Tarmac S-Works SL7, en taille 56, pèse 6,700 kg "sorti du carton" (c'est-à-dire sans pédales). Plus significatif.... le cadre est lui annoncé à 820 grammes dans cette version S-Works, soit le poids exact du Tarmac SL 6 (en Disc bien sûr), alors que son aérodynamique est pratiquement rendue au niveau du Venge.
Même si le nombre de vélos à disques prêts à rouler sous les 7 kilos ne sont pas légion, ils partagent ce nouveau mantra, au demeurant raisonnable, de ne pas être plus royaliste que le roi. En d'autre terme, se cantonner au poids UCI, arguant que la rigueur du châssis et les gains aéro (on parle de 45 sec de gagnées sur la génération précédente sur 40km en 1 heure) est nettement plus profitable que quelques centaines de grammes en dessous de la "barrière" abstraite des 6,8 kg.
Les autres modèles... bien sûr, le Tarmac arrive en gamme complète, y compris avec des versions "non S-Works", qui permettent d'accéder aux performances exceptionnelles du cadre pour des tarifs échelonnés de 4999 € à 11499 €.
Le Kit cadre est disponible en version "de base" à 2999€ et en S-Works à 4199€, une chère différence pour bénéficier de la fibre Fact 12R et son gain de 80 grammes, mais qui permet aussi d'accéder à un choix de coloris très élargi.
>> Tous les détails de la gamme en fin d'article.
Le modèle mis à disposition pour notre test est le Tarmac S-Works SL7 Sram Red Etap à 11 499 € (prix identique en Dura-Ace), en finition Carbon (nu) avec de subtils accents verts métallisés ("Black / Color Run Silver Green")
Les roues Roval "Rapide CLX"
Dans cette livrée S-Works, une grande part de l'effet aéro escompté est supporté par les roues !
Ce qui frappe, c'est bien sûr leur hauteur plutôt copieuse, voire même astronomique pour un vélo "à tout faire". Avec 60 mm de hauteur à l'arrière et 51 mm à l'avant, ces Rapide ne peuvent qu'être aéro... mais l'histoire ne s'arrête pas là, bien au contraire.
Ces Rapide ne peuvent se résumer à leur hauteur... en réalité, la conception des roues est beaucoup plus complexe que ne le laissent penser ces chiffres. C'est notamment la roue avant qui a fait l'objet d'un design tout à fait innovant en renonçant à deux technologies : le freinage patins et le Tubeless. Débarrassé de ces contraintes mécaniques importantes sur les flancs des jantes, Roval a créé des crochets creux aux parois extrêmement fines. Cette technique permet bien sûr de produire une jante très légère (dont Specialized ne souhaite pas communiquer le poids), mais surtout d'avoir beaucoup plus de liberté dans la forme du profil.
Ainsi, la jante avant affiche un profil en U de 51 mm de haut, pour 35 mm de large. Encore mieux, la largeur interne de 21 mm a été optimisée pour l'intégration des pneus de la marque en 26 mm. Nous n'avons pu les mesurer sur la jante, mais en dépit d'une taille réelle très généreuse (probablement autour de 28 mm), ils restent largement moins larges que la jante, et s'y intègrent parfaitement.
Des jantes de 35 mm... de large ! Sur la roue avant, la jante à crochets creux est visiblement plus large que le pneu !
La roue arrière a une forme différente, plus haute et plus étroite, plus classique en un sens, mais affiche tout de même une largeur de 30 mm. Le plus bluffant est que l'ensemble est annoncé à 1384 grammes. Avec ce profil, c'est généralement le poids d'une paire de roue à boyaux... et à patins : la performance technique est remarquable.
Les moyeux AF4D sont également optimisés pour l'aérodynamique, et utilisent le mécanisme DT Swiss 240S.
Notre essai du Tarmac S-Works SL7 Sram Red Etap AXS
Mais assez parlé, passons aux sensations...et on ne va pas tourner autour du pot... ce vélo est grisant !
Il a un répondant hors-norme, il est aérien en montée, précis en descente, stable dans le vent, et il prend très vite une belle vitesse de croisière et la conserve avec aisance... on est proche du rêve, il faut l'avouer.
Voilà pour les premiers tours de roues. On sait déjà que pour pouvoir aller plus loin dans l'analyse, il va falloir se faire un peu mal, borner, et appuyer... Alors direction les crêtes de l'Ardèche, avec un bon tour de 130 km, 2500 de D+, et des routes techniques à souhait, venteuses, granuleuses, voire carrément délabrées, comme on les affectionne particulièrement chez VdR !
Difficile de garder la tête froide quand on utilise les capacités de relance du Tarmac SL7...
Sur le plat, le Tarmac est incroyablement efficace. Les roues n'y sont certainement pas étrangères, elles lui donnent une aéro incroyable, une stabilité particulièrement bienvenue à haute vitesse. Le châssis est comme on s'en doute extrêmement rigide, notamment quand on le sollicite latéralement (sprint / direction). Pour autant, la fourche n'est pas "raide", ou en tout cas ne tape pas sur les ralentisseurs ou les irrégularités de la route. De ce côté là, on sent qu'il y a eu de gros progrès sur les plate-formes à disques ces derniers temps, et que les contraintes de freinage n'ont plus d'impact sur le comportement de la fourche. Si l'ensemble cadre-fourche-roue fonctionne de concert, on peut aussi ajouter à la liste le cockpit, car le combo cintre-potence est lui aussi inflexible !
Le cintre est pourtant composé d'une lame supérieure particulièrement plate, mais pour autant très rigide. De prime abord, elle nous a paru large et anguleuse, mais finalement, c'est une forme à laquelle on s'habitue, en tout cas si l'on a des mains relativement larges. Il ne faut pas essayer de tenir ou d'entourer son guidon, mais simplement de poser les mains dessus pour y trouver une large surface d'appui finalement très confortable. La zone aéro est d'ailleurs constellée de picots pour améliorer le grip de la partie non guidolinée dont l'effet nous a toutefois semblé assez limité. Ce qui est, de notre point de vue, plus important et très réussi est la forme des drops, qui sont de type compacts, tout en étant longs et progressifs. C'est une forme que nous apprécions, mais que peu de marques réalisent aussi bien.
Sur l'arrière, les sensations sont assez similaires. Le confort reste typé course, mais compte tenu de la hauteur de roue et de la tige de selle tout de même plutôt aéro, on n'hésitera pas à dire qu'il est très bon pour la catégorie. Pour être concret, c'est un vélo sur lequel on n'hésitera pas à rouler 4-5 heures, dès lors qu'on privilégie la moyenne au confort, y compris sur les routes ardéchoises les moins fréquentées.
Montagne
Bien entendu, dès que la route monte, le Tarmac arrive dans son élément naturel. Jusqu'à 6-7 % les roues se font oublier. Au-delà, les roues hautes, malgré leur très faible poids, pénalisent tout de même les purs grimpeurs par leur rigidité... il est probable que cela ne fasse pas tant de différence que cela pour un rouleur, mais bien entendu la fluidité baisse un peu... En danseuse, les sensations sont incroyables : le vélo bondit littéralement !
Plus de montagne !
Notre parcours de 130 km nous a permis de tester le Tarmac dans toutes les situations courantes.
Par chance, nous avons pu aussi essayer le jour suivant le vélo avec des roues plus basses Alpinist (nous y reviendrons prochainement) sur le col des Limouches, au caractère un peu plus alpin. Cela nous a permis de juger de influence des roues Rapide, et de la performance intrinsèque du cadre.
Privé de ses roues hautes, le Tarmac ne perd rien de sa fougue, au contraire. Il gagne en agilité, en dynamisme, et disons-le en facilité... il devient surtout plus facile d'installer un vrai tempo de grimpeur, et configuré ainsi le Tarmac permet de trouver sa zone de confort pour de longues ascensions.
Étrangement, le cadre nous a semblé très accessible au commun des cyclistes... Jusqu'à ce que nous le "poussions" dans ces retranchements, que nous n'avons pas trouvés !
Si le cadre est accessible, il ne perd pas ces moyens quand le capteur de puissance s'affole, et même tout le contraire. Il semblerait que plus on lui en demande, plus il est dans son élément. A ce jeu là, et notamment quand on essaye de rester autour de sa ftp, le cadre finit même par se montrer exigeant. En tout cas, nul doute qu'il soit en mesure de monter à un train de Pro Tour tout en étant plaisant dès 200 W !
Petit coup de fraîcheur d'un drôle de juillet sur les crêtes de l'Ardèche...
Vent
A l'approche du mont Gerbier de Jonc, le vent s'invite dans notre essai, et plutôt par rafales soudaines que pour nous pousser gentiment. A ce jeu, une fois encore, ce sont les roues Rapide qui sont bluffantes. On ne peut pas dire qu'elles sont insensibles au vent, mais on peut affirmer que nous n'avons jamais roulé une roue aussi haute et aussi "calme" à la fois.
Descente
Bien entendu, quand la pente s'inverse, cette roue avant fait des merveilles, se jouant des passages techniques tout en reprenant très vite de la vitesse dès que les conditions le permettent. Les passages d'épingles en vent changeant demandent toujours de la vigilance, mais le compromis s'avère payant, notamment quand on se retrouve à rentrer à 55 ou 60 km/h pendant une demi-heure de vallée rectiligne... C'est aussi le moment de noter la géométrie excellente et inchangée sur la version précédente. Nous avons particulièrement apprécié les bases "longues" (tout est relatif), de 410 mm qui procurent des trajectoires très saines.
Dans les descentes ventées du Gerbier de Jonc
Des roues clivantes... mais inoubliables !
Le choix de ces roues hautes sur un vélo "classique" est certainement le choix le plus clivant réalisé par les chefs produits sur ce S-Works (que l'on retrouve aussi en version CL de mêmes hauteurs sur la gamme Pro).
Si ces roues apportent incontestablement une polyvalence au sens de fusionner la catégorie montagne et aéro pour gagner une étape de Tour, elles typent aussi le vélo, en le détournant du pur programme "Tarmac".
L'histoire ne dit pas si les pros adopteront ces roues à pneus, mais nul doute qu'elles sont plus performantes que leurs roues actuelles à boyaux !
Si nous n'avons pas pu essayer les roues séparément sur un autre vélo, nous sommes convaincus qu'elles sont vraiment parmi les toutes meilleures pour leur stabilité, leur (in) sensibilité aux vents latéraux, leur précision de conduite, et leur poids record qui les rend effectivement "passe-partout".
Leur comportement incroyablement bien dosé pour cette hauteur ravira les coursiers et les habitants de régions venteuses. Cependant, pour nous qui aimons surtout les cols, nous avons encore plus aimé le Tarmac chaussé des Alpinist, qui le rendent encore plus aérien quand la pente se redresse franchement.
Compte tenu de l'ambition de polyvalence, et du plaisir distillé par l'une ou l'autre des roues selon le terrain, il nous semble que le choix entre les deux options de roues aurait pu être pertinent, d'autant qu'elles sont disponibles au détail au même tarif, très compétitif d'ailleurs, de 2399 €.
CONCLUSION : Le superbike équilibré, ultra-performant, et tellement plaisant
Le concept de plateforme unique nous paraît du pur bon sens. C'est une évidence pour les pros, car les courses rassemblent presque toujours dénivelé ET vitesse, mais c'est aussi intéressant pour les amateurs, qui n'ont probablement qu'un vélo, ou en tout cas qu'un vélo de ce prix.
La possibilité d'une monte de pneu en 32 mm (et probablement même 33 ou 34 mm réels) ouvre même cette polyvalence vers la catégorie "endurance", ou en tout cas à celle des Classiques belges ou des Strade Bianche qui peuvent demander un peu plus de volume (généralement 25 à 30 mm en boyaux), soit l'équivalent d'un confortable 28 à 32 mm en pneu.
La roue Rapide est réellement exceptionnelle, pour autant nous aurions préféré avoir le choix avec les Alpinist qui sont tout aussi exceptionnelles dans leur domaine.
Enfin concernant le cadre lui-même, là... difficile de lui trouver le moindre défaut. La somme des progrès pèse dans la balance. Tout y est : comportement ultra sportif, géométrie, confort, accessibilité... et évidemment aérodynamique !
Le plus impressionnant est peut-être sa précision de conduite, notamment à haute vitesse, l'impression de sécurité qu'il conserve y compris sur les mauvais revêtements.. Sa capacité à concilier la rigueur nécessaires aux gros rouleurs avec le dynamisme qu'affectionnent les purs grimpeurs sur l'ancien SL6, un équilibre incroyablement dosé.
Finalement, nous n'oublierons surtout pas l'essentiel.... le plaisir ! Plaisir de l'objet de rêve évidemment, mais surtout plaisir des sens, que ce soit par ses accélérations cristallines, ou ses folles descentes... dans toutes les situations, le Tarmac SL7 offre des sensations exceptionnelles !
Les modèles - Les Tarifs
Gamme S-Works (groupe DA ou AXS + roues Rapide CLX)